Comme cela avait été le cas l'été dernier avec la décote de la dette américaine, la perte de la note AAA par la France et l'Autriche n'a pas encore entraîné d'augmentation de leurs coûts d'emprunt.

Paris a facilement pu quérir 8,59 milliards d'euros hier sous forme d'obligations d'échéances diverses, offrant toutes des rendements inférieurs à ceux qu'elle aurait dû consentir la semaine dernière, juste avant la décote.

Il faut dire que l'agence de notation new-yorkaise avait menacé la France d'une décote de deux crans. Elle ne lui en aura finalement retranché qu'une, bien qu'elle maintienne une perspective négative.

Standard & Poor's avait aussi remis en cause la note du Fonds européen de stabilité financière (FESF), à moins que ses États garants augmentent leurs engagements. Le dernier carré AAA de la zone euro, l'Allemagne, la Finlande, le Luxembourg et les Pays-Bas n'ayant fait preuve d'aucun débordement d'enthousiasme, S&P a donc abaissé hier la note du FESF, doté d'une force de frappe théorique de 440 milliards d'euros. Comme celle de la France et de l'Autriche, elle est ramenée de AAA à AA".

En principe, cela devrait entraîner un renchérissement des coûts d'emprunt de ce trésor de guerre destiné à venir en aide à des pays en difficulté ou à des banques européennes.

En pratique, l'impact sera ténu à court terme puisque les marchés obligataires avaient déjà pleinement escompté la décote. À moyen terme, «ça dépendra avant tout des détails du pacte fiscal qui doivent être présentés d'ici mars», note Stéfane Marion, économiste en chef à la Banque Nationale.

Les grands principes de ce traité intergouvernemental qui liera tous les pays de l'Union européenne à l'exception du Royaume-Uni ont été dévoilés juste avant les Fêtes. Les négociations entre les hauts fonctionnaires des pays liés qui ont cours sur le texte final laissent malheureusement filtrer une certaine volonté d'édulcoration pour faciliter l'adoption du texte.

Si ces rumeurs se confirmaient, alors le stoïcisme affiché hier pourrait être de courte durée.

D'autant plus que le bras de fer entre Athènes et l'Institute of International Finance (IIF) laisse craindre le pire. La Grèce et le lobby international des banques s'étaient entendus en octobre sous les pressions de l'Allemagne pour négocier une radiation de 50% de la valeur faciale des obligations grecques détenues par les banques et les compagnies d'assurance.

La formule retenue prévoyait le troc des obligations émises contre de nouvelles dont la valeur serait de moitié moins élevée. La négociation achoppe sur le taux d'intérêt des nouveaux titres et sur leur échéance. Plus le taux sera élevé et plus il sera difficile de ramener la dette grecque à 120% de la taille de son économie, soit le niveau actuel de la dette italienne. C'est pourtant un préalable au deuxième plan de sauvetage du Fonds monétaire international (FMI) et du FESF.

En revanche, plus le taux sera faible et plus sera élevé le risque que des prêteurs refusent de déposer leurs titres, ce qui risque de déclencher un défaut de paiement désordonné avec de grands risques de contagion dans la zone euro et même au-delà.

Si les marchés n'ont pas sanctionné les pays AAA décotés vendredi, ils ont été beaucoup plus durs avec ceux qui ont perdu deux coches, comme le Portugal, dont la qualité de la dette passe de BBB- à BB, ce qui correspond à des obligations de pacotille. Son coût d'emprunt pour 10 ans a bondi hier de 101 centièmes, à 13,47%, soit 11,69 points de plus qu'une obligation allemande. Le Portugal fait l'objet d'un plan de sauvetage du FMI et du FESF, tout comme l'Irlande.