«Nous subissons le pire cycle à jamais survenir dans le marché des produits dérivés», admet d'emblée Alain Miquelon, président et chef de la direction de la Bourse de Montréal.

Et pour cause, a constaté La Presse Affaires, un an après le pire krach financier en trois quarts de siècle qui fut attribué surtout aux excès de Wall Street avec... les produits dérivés du crédit.

Pour la deuxième année consécutive, le volume de transactions à la Bourse de Montréal (MX), spécialisée en produits dérivés, fléchit de plus de 10%.

Ce ressac s'est même accentué cette année: de l'ordre de 16% pour la période de janvier à juillet inclusivement, selon les données internes de MX.

Même que, rabaissé à 19 millions de contrats, le volume de transactions durant ces sept premiers mois de 2009 est à son plus bas depuis la même période en 2005.

Pour les dirigeants de MX, dont les revenus et profits proviennent surtout des frais de transactions, un tel revirement après des années de forte croissance pose un sérieux défi.

«Quand 60% des revenus dépendent des activités transactionnelles, c'est sûr qu'un tel repli du marché affecte les résultats, en particulier la rentabilité», explique Alain Miquelon, devenu PDG de MX après son acquisition par le Groupe TMX, qui gère la Bourse de Toronto.

Néanmoins, souligne-t-il, ces dommages aux résultats d'exploitation de la Bourse de Montréal demeurent modérés.

«Nous sommes encore rentables, mais moins qu'avant. Par ailleurs, la baisse de volume provient surtout de nos produits dérivés basés sur les taux d'intérêt. Or, tout indique qu'il s'agit d'une conjoncture temporaire qui découle de la crise des papiers commerciaux au Canada, en 2007, et de la crise financière de l'an dernier.»

Ambitions

Exemple probant: le produit-vedette de MX, un contrat à terme nommé «BAX» qui est basé sur les fluctuations de taux d'intérêt, est en repli de volume des deux tiers depuis le sommet atteint en 2007.

À HEC Montréal, le professeur Martin Boyer, directeur de l'enseignement en finances, corrobore l'analyse du président de MX.

«Le ressac du marché de contrats à terme sur les taux, tels que le BAX, est très conjoncturel, comme pour les acceptations bancaires et les papiers commerciaux. Mais ces marchés vont reprendre lorsque les entreprises retrouveront un meilleur niveau de liquidités à investir à court terme.»

Mais en attendant cette relance, la Bourse de Montréal n'a pas d'autant rangé ses autres ambitions, soutient son président.

Entre autres, des produits dérivés lancés récemment, comme des options sur des fonds négociés en Bourse (ETF), décollent relativement bien.

Aussi, pendant que MX poursuit l'intégration de certaines fonctions administratives et informatiques avec la Bourse de Toronto, cette affiliation a déjà généré de nouveaux contrats à terme négociés à Montréal.

Alain Miquelon cite en exemple une option nommée «GAZ» basée sur un fonds ETF d'énergie qui est inscrit à la Bourse de Toronto.

Ce fonds repose en partie sur un indice du gaz naturel géré par NGX de Calgary, la filiale de marchés d'énergie du groupe boursier TMX.

Par ailleurs, le président de MX anticipe un impact positif du resserrement réglementaire des produits dérivés qui se prépare à Washington.

Pourquoi? Ce resserrement cible surtout les contrats à terme financiers qui sont échangés de gré à gré entre les grandes firmes boursières, surnommés «OTC» dans leur jargon.

Ces produits dérivés de type OTC sont très différents des contrats à terme transigés sur des marchés mieux encadrés comme la Bourse de Montréal.

Or, c'est l'emballement puis le krach du marché des dérivés financiers de type OTC, aux États-Unis, qui fut l'un des déclencheurs de la grave crise bancaire de l'an dernier.

Depuis, même atrophié, le marché des produits dérivés financiers a migré vers les produits côtés en Bourse, considérés moins opaques et plus fiables.

«Ce transfert structurel du marché des produits en OTC vers ceux négociés en Bourse devrait avantager le marché canadien, en particulier la Bourse de Montréal», estime Antoine Babule, directeur de Newedge Canada, filiale d'un négociant international de contrats à terme qui est affilié à deux géants financiers français: Crédit Agricole et Société Générale.

«Par ailleurs, malgré ses changements de direction en période difficile, la Bourse de Montréal a conservé des gens très compétents pour profiter des occasions de marché, selon M. Babule.

«Aussi, le rapprochement de systèmes transactionnels avec la Bourse de Toronto, spécialisée en actions, devrait s'avérer un important atout face à l'évolution des marchés boursiers.»