Le pourcentage de ménages québécois propriétaires de leur logement, déjà le plus bas parmi les provinces canadiennes, recule pour la première fois.

Moins de six Québécois sur dix étaient propriétaires de leur logement en 2021. Le taux de propriété est passé de 61,3 %, en 2016, à 59,9 % cinq ans plus tard. Il faut remonter à 2001 pour trouver un taux de propriété inférieur à 60 % au Québec.

Dans l’ensemble du Canada, la proportion de propriétaires s’érode également. Elle s’établit néanmoins à 66,5 % en 2021, soit 6,6 points de pourcentage de plus qu’au Québec.

Les chiffres sont tirés du recensement de 2021 et ils ont fait l’objet d’une analyse par Statistique Canada mercredi.

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce n’est pas la hausse des prix de l’immobilier qui est le facteur le plus important pour expliquer la perte d’attrait de la propriété. Selon Statistique Canada, les raisons du déclin s’expliquent par l’immigration, le vieillissement de la population et les choix de modes de vie privilégiés par les jeunes Canadiens.

Étonnamment, au chapitre de l’abordabilité, la situation s’est améliorée de façon exceptionnelle en 2021 à la suite de la baisse des taux d’intérêt hypothécaires et des programmes d’aide gouvernementale alors que la pandémie de COVID-19 faisait rage.

Le portrait a radicalement changé en 2022. « À mon avis, la tendance à la baisse du taux de propriété va se poursuivre, dit l’économiste Paul Cardinal. Actuellement, l’abordabilité est à son pire niveau au Canada. »

S’enrichir en devenant propriétaire

Ce retard du Québec au chapitre de la propriété n’est pas sans conséquence sur le niveau de vie de ses citoyens. « C’est facilement démontrable que les ménages qui ont accédé à la propriété se sont constitué un actif qui a pris de la valeur. Habituellement, les propriétaires disposent d’une valeur nette supérieure à celle des locataires », soutient le directeur du service économique de l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ).

La valeur nette des propriétaires de tous âges est passée de 325 000 $ à 685 000 $ en dollars constants entre 1999 et 2019, selon Statistique Canada. Celle des locataires est passée de 14 600 $ à 24 000 $ durant la même période de 20 ans.

Autrement dit, devenir propriétaire est une façon de s’enrichir. « C’est un vieil adage, mais qui est encore plus vrai depuis 20-25 ans », dit M. Cardinal.

L’APCHQ, l’organisme pour lequel travaille M. Cardinal, est un regroupement d’entrepreneurs généraux qui cherche à convaincre les gouvernements de favoriser la construction de logements, mais l’association n’a pas de préférence entre les maisons, les condos ou les logements locatifs.

Le rattrapage du Québec freiné dans son élan

Le premier ministre François Legault insiste beaucoup sur l’importance de combler l’écart de richesse entre le Québec et l’Ontario. À notre connaissance, il parle rarement de l’importance de rehausser le taux de propriété du Québec au niveau canadien ou encore à celui des Ontariens, qui est encore plus haut.

M. Cardinal verrait d’un bon œil que le gouvernement provincial se fixe un objectif précis en ce qui a trait à la proportion de ménages propriétaires.

Sur l’accession à la propriété, la CAQ n’a rien promis pendant la présente campagne électorale, mais le gouvernement a annoncé qu’il allait doubler le crédit d’impôt pour l’achat d’une première maison et a promis d’harmoniser dès 2023 ses programmes avec ceux du fédéral.

PHOTO RYAN REMIORZ, LA PRESSE CANADIENNE

François Legault, premier ministre du Québec


De leur côté, le Parti libéral et le Parti conservateur proposent d’abolir les droits de mutation (« taxe de bienvenue ») aux premiers acheteurs. Les libéraux augmenteraient le montant pouvant être retiré des REER en franchise d’impôt dans le but d’acquérir une première propriété. Québec solidaire propose de réglementer davantage le processus d’achat de maison afin de limiter la spéculation.

Au moment où l’on se parle, il y a une question d’équité générationnelle. C’est très difficile pour les jeunes ménages d’accéder à la propriété. Pour les jeunes ménages issus de la classe moyenne, c’est très difficile. Il faut vraiment qu’ils gagnent des revenus supérieurs.

Paul Cardinal, économiste

Le Québec avait entrepris un rattrapage du taux de propriété par rapport à la moyenne canadienne. En 1971, la différence entre le Canada et Québec dépassait les 13 points de pourcentage. Par la suite, l’écart s’est rétréci jusqu’à 6,5 points en 2016. Depuis, le processus de rattrapage a été stoppé.

Taux de propriété au pays

– Canada : 66,5 % – Québec : 59,9 % – Ontario : 68,4 %

Source : Statistique Canada, données de 2021