(Montréal) Un vaccin expérimental administré conjointement avec un traitement d’immunothérapie a réduit de près de moitié le risque de récidive et de décès de certains patients atteints d’un cancer de la peau métastatique, ont récemment annoncé des chercheurs américains.

Le vaccin mRNA-4157/V940 enseigne au système immunitaire du patient à identifier et à détruire les cellules du mélanome, après qu’elles ont été rendues visibles par le traitement d’immunothérapie.

Il utilise la même technologie d’ARN messager que celle utilisée pour mettre au point les vaccins qui ont éventuellement dompté la pandémie de COVID-19. Il a d’ailleurs été développé par Moderna, dont la rivale BioNTech planche sur un projet similaire.

« Je ne m’excite pas à chaque fois qu’une nouvelle sort, mais aujourd’hui je trouve que c’est une étude qui est très significative et très enthousiasmante, a commenté le docteur Claude Perreault, qui est professeur titulaire à l’Institut de recherche en immunologie et en cancérologie de l’Université de Montréal. Ce sont des résultats très intéressants. »

Contrairement aux vaccins qu’on a tenté de développer pour combattre le cancer depuis quelques décennies, a-t-il ajouté, ce vaccin est le premier à utiliser la technologie de l’ARN messager, « et je dirais que c’est un bénéfice secondaire de la pandémie de COVID ».

Chaque dose du vaccin est formulée en fonction du code génétique individuel des cellules cancéreuses du patient, avec l’aide d’algorithmes qui prédisent quelles mutations génétiques sont les plus susceptibles d’être reconnues par le système immunitaire.

Un cancer aux nombreuses mutations génétiques

De tous les cancers, le mélanome est d’ailleurs celui qui présente le plus de mutations génétiques, ce qui explique probablement pourquoi les chercheurs américains l’ont choisi comme cible, a estimé le docteur Perreault.

En bout de compte, ce sont une trentaine de mutations génétiques qui ont été incorporées au vaccin.

« C’est une caractéristique importante du vaccin, a dit le docteur Perreault. Le vaccin ne contenait pas de protéines normales. Il contenait de l’ARN qui code pour des protéines mutantes qui ne se retrouvent que dans les cellules cancéreuses. »

Les vaccins précédemment développés contre le cancer faisaient appel à des protéines qui étaient plus abondantes dans les cellules cancéreuses, mais aussi présentes dans les cellules normales, « et ça, ça ne marche pas parce que notre système immunitaire est fait pour réagir à des protéines étrangères, pas à des protéines qu’on trouve sur des cellules normales », a-t-il expliqué.

Mais cette fois, l’utilisation de l’ARN comme support pour le vaccin et l’utilisation d’antigènes qui ne sont présents que dans les cellules cancéreuses accouchent de résultats autrement plus prometteurs.

Réduction du risque de décès

L’administration du mRNA-4157/V940 a réduit le risque de récidive ou de décès de 44 %, comparativement au seul traitement d’immunothérapie.

L’étude s’est concentrée sur des patients qui avaient déjà été opérés pour retirer des cellules cancéreuses aux ganglions ou ailleurs. On considérait que leur risque de récidive était d’au moins 50 %. Une centaine de patients ont reçu le vaccin expérimental et un traitement d’immunothérapie, et 50 autres seulement le traitement d’immunothérapie.

Le cancer est réapparu chez 22 % des patients qui avaient reçu les deux traitements (possiblement parce que les algorithmes avaient choisi les mauvais antigènes et qu’ils devront maintenant être peaufinés), comparativement à 40 % des patients qui avaient seulement été traités en immunothérapie.

Un travail colossal

Le développement de chaque dose de vaccin demande toutefois un travail considérable, et chaque dose n’est prête qu’après six ou huit semaines d’efforts. Elle doit aussi être taillée sur mesure pour chaque patient.

« Ça m’apparaît un défi colossal, a prévenu le docteur Perreault. Il y a toute une marge entre faire une étude sur un petit nombre de patients et amener cette approche-là en clinique. »

Au-delà du travail demandé pour obtenir une seule dose, il reste à voir si la même stratégie se révélerait efficace face à d’autres types cancers. Le prochain en liste sera probablement le cancer du poumon, qui présente le deuxième plus grand nombre de mutations après le mélanome.

En revanche, le cancer du sein, le cancer de la prostate et la leucémie présentent tellement peu de mutations génétiques qu’une efficacité du nouveau vaccin serait étonnante, a estimé le docteur Perreault.

Mais en bout de compte, il s’agit d’une première étape dont on ne peut que se réjouir, a souligné le spécialiste.

« C’est très encourageant, a-t-il dit. On a enfin une stratégie qui fonctionne. Après plusieurs échecs, ça va donner confiance à tout le monde que la vaccinologie anticancéreuse peut fonctionner. »

Le vaccin fera maintenant l’objet d’un essai de clinique de phase III avec un millier de participants. Il pourrait être disponible dans quelques années si les résultats sont probants.

Les résultats de cette étude ont été dévoilés en fin de semaine lors d’un congrès de l’American Association for Cancer Research.