Les vapoteuses au melon d’eau et au fruit de la passion sont en voie de disparition avec l’interdiction des saveurs entrée en vigueur mardi partout au Québec. Si certains se sont précipités pour en acheter avant l’interdiction, d’autres envisagent déjà de se tourner vers le marché illégal pour s’en procurer.

« Est-ce que vous avez une vape aux bananes ?

— Non, on est en rupture de stock depuis deux semaines. »

À la boutique de cigarettes électroniques Vaporus, rue Saint-Denis, en plein cœur du centre-ville de Montréal, les clients se sont précipités pour acheter les dernières cigarettes électroniques aromatisées. Depuis mardi, la vente de produits de vapotage offrant des parfums autres que celui du tabac est désormais proscrite dans l’ensemble du Québec.

Je veux arrêter de fumer et quand j’ai vu que c’était la fin des saveurs, je me suis dit que j’allais m’acheter une vape à la banane pour la dernière fois.

Mathieu Laplante, rencontré à la boutique Vaporus

« Les clients sont découragés », renchérit Médéric Potvin, employé chez Vaporus. « La majorité de mes amis et moi, on va arrêter de vaper, parce que la saveur de tabac, ce n’est pas succulent », lance le jeune homme en souriant. Il estime que ce sont les personnes plus âgées qui continueront de vapoter. « Elles ont déjà plus tendance à prendre la saveur de tabac », dit-il.

Au magasin Couche-Tard situé coin Saint-Denis et De Maisonneuve, les vapoteuses au fruit de la passion, aux fraises et au melon d’eau ont fait place mardi à celles à saveur de tabac. « On explique aux clients que c’est une loi qui a été passée, mais ils ont espoir d’en trouver ailleurs », lance une employée.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Jules Pichot et Lionel Courchesne

Rencontré au cégep du Vieux Montréal, Lionel Courchesne compte se procurer illégalement des vapoteuses à saveur de litchi, ses préférées. « Je pense que ça va juste augmenter le marché noir. Une dépendance, ce n’est pas quelque chose que tu peux régler du jour au lendemain », dit-il. Le jeune homme de 18 ans a vapoté pour la première fois à l’âge de 14 ans. « C’est sûr que ça va nous pousser à nous tourner vers des vendeurs illégaux », ajoute son ami Jules Pichot, à ses côtés.

Combattre le vapotage chez les jeunes

« On est content, parce que la réglementation va aider à combattre le vapotage chez les jeunes », se réjouit Francine Forget Marin, directrice affaires santé et recherche à la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC au Québec.

Neuf jeunes sur dix chez les vapoteurs mentionnent que les arômes sont une raison importante qui les a poussés à vapoter et à continuer de vapoter, selon une enquête réalisée en 2021 par la fondation auprès de Québécois âgés de 16 à 24 ans.

La moitié des jeunes ont dit qu’ils cesseraient de vapoter si les arômes n’étaient pas disponibles.

Francine Forget Marin, de la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC

En plus de l’interdiction des parfums, Québec limite à 20 milligrammes par millilitre la concentration en nicotine des produits de vapotage. Par ailleurs, les vapoteuses ne peuvent plus avoir une apparence qui peut être attrayante pour les mineurs, comme la forme d’un jouet ou d’un personnage.

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Depuis mardi, la vente de produits de vapotage offrant des parfums autres que celui du tabac est désormais proscrite au Québec.

« Une bonne nouvelle », estime Mme Forget Marin. Elle précise que le vapotage est lié à des troubles respiratoires et à une augmentation de la pression artérielle. « Vapoter et fumer en même temps, ça présente un risque accru d’AVC et de crises cardiaques », dit-elle. La nicotine est également nocive pour les cerveaux en développement, ajoute-t-elle.

Contrer le marché illégal

De son côté, Imperial Tobacco Canada s’est dite « très préoccupée » par l’interdiction des produits de vapotage aromatisés au Québec. « Ce que nous déplorons, c’est le fait que cette approche unilatérale aura assurément des impacts négatifs sur les vapoteurs adultes à la recherche d’une alternative moins nocive que la cigarette et enrichira du même coup le commerce illégal », a déclaré par voie de communiqué le vice-président aux affaires juridiques et externes chez Imperial Tobacco Canada, Eric Gagnon.

Il demande au gouvernement de s’assurer de faire respecter sa nouvelle réglementation en créant un programme ACCES Vapotage. Dans les dernières années, le gouvernement du Québec a mis sur pied les programmes ACCES Tabac et ACCES Cannabis qui se consacrent entièrement aux amendes, aux enquêtes et aux saisies en lien avec le commerce illégal de tabac et de cannabis.

« Nous espérons que le gouvernement du Québec se penchera sur la question et prendra les mesures nécessaires pour faire respecter la nouvelle réglementation et appliquer les sanctions nécessaires aux commerçants contrevenant à la loi », dit M. Gagnon.

L’histoire jusqu’ici

19 avril 

Un projet de règlement visant à limiter les arômes dans les produits de vapotage est mis en place par le gouvernement Legault.

2 août

Le gouvernement annonce la fin des saveurs dans les produits de vapotage pour le 31 octobre pour « protéger les jeunes des effets néfastes et préoccupants du vapotage ».

19 octobre

Le géant du tabac au Canada Imperial Tobacco mène en catimini une campagne s’opposant à l’interdiction prochaine des parfums dans les produits de vapotage au Québec.

31 octobre

La vente de produits de vapotage qui ont « une saveur ou un arôme autres que ceux du tabac » est interdite.