Le chef du Parti conservateur du Canada, Andrew Scheer, s'est montré ouvert à donner plus de pouvoirs à Québec en matière d'immigration s'il se retrouve à la tête du gouvernement fédéral dans un an, a-t-il déclaré hier à la sortie d'une rencontre avec le premier ministre François Legault.

Les deux hommes ont abordé ce dossier lors de leur tête-à-tête d'environ une heure dans les bureaux de M. Legault, à Québec. Selon les dires de M. Scheer, le premier ministre lui a « parlé de son intention d'avoir une immigration plus concentrée sur les besoins économiques du Québec ». Le chef conservateur a, quant à lui, mis sur la table « l'idée de donner plus de pouvoirs au gouvernement du Québec pour gérer son [...] immigration ».

Lors de la campagne électorale, François Legault a promis de réclamer plus de pouvoirs à Ottawa. Il veut renégocier l'accord Canada-Québec pour obtenir la responsabilité de la sélection des immigrants reçus dans le cadre du programme de réunification familiale (environ 20 % des nouveaux arrivants chaque année). Il s'agit des conjoints, enfants, parents ou grands-parents d'immigrants déjà installés au Québec.

François Legault s'est dit « très content » de sa rencontre avec le chef conservateur. « M. Scheer est ouvert à nos propositions » sur le transfert des pouvoirs en matière de réunification familiale, a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse aux côtés du maire de Québec, Régis Labeaume.

RÉDUIRE DE 20 %

À l'heure actuelle, le Québec contrôle l'immigration économique - la majorité des nouveaux arrivants accueillis ici chaque année. Ottawa est par ailleurs responsable des réfugiés.

François Legault a promis en campagne électorale de réduire de 20 % le nombre de nouveaux arrivants reçus chaque année dès 2019. Il a annoncé son intention de demander à Ottawa de réduire d'une part équivalente les réfugiés et les regroupements familiaux. Andrew Scheer ne s'est pas beaucoup avancé sur le sujet.

« J'ai écouté ses explications. Nous travaillons maintenant sur notre plan sur l'immigration. »

- Andrew Scheer

Il a également esquivé les questions lui demandant son avis sur le test des valeurs qu'a l'intention d'imposer M. Legault aux nouveaux arrivants. Il a déclaré qu'il « respecte les champs de compétence des provinces » et qu'aucun projet de loi en ce sens n'a encore été déposé par Québec.

COLÈRE CONSERVATRICE À OTTAWA

La question de l'immigration a aussi monopolisé une bonne partie de l'actualité hier à Ottawa, au lendemain du dévoilement de nouveaux seuils d'accueil beaucoup plus élevés par le gouvernement Trudeau.

Le ministre de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Ahmed Hussen, a confirmé mercredi qu'Ottawa s'appuiera sur « les assises économiques solides » du pays pour faire croître « de façon responsable » le nombre de résidents permanents accueillis chaque année par le Canada.

Les seuils passeront de 310 000 cette année à 330 800 l'an prochain, 341 000 en 2020 et 350 000 en 2021, « soit près de 1 % de la population canadienne ».

Or, le gouvernement Trudeau n'a absolument aucune « légitimité sociale » pour faire passer les cibles d'immigration à 350 000 au pays en raison de son « échec » à gérer adéquatement la crise actuelle des demandeurs d'asile, avance le Parti conservateur.

Tout en soulignant la nécessité de continuer à accueillir des immigrants, la députée albertaine Michelle Rempel, porte-parole conservatrice en matière d'immigration, a lancé hier une charge à fond de train contre le bilan du gouvernement Trudeau dans ce dossier.

Elle a cité un sondage Angus Reid publié en août dernier qui indique que 49 % des Canadiens souhaitent une réduction de la cible actuelle de 310 000 immigrants. En 2014, seuls 36 % des répondants avaient prôné une réduction.

LAXISME DÉNONCÉ

Selon Mme Rempel, le laxisme du gouvernement Trudeau en matière d'accueil des migrants qui traversent à partir des États-Unis explique ce changement de perception des Canadiens.

« Plutôt que de mettre en place des politiques pour décourager les gens d'entrer au Canada de cette façon, mettant du même coup une pression énorme sur le système de bénéfices payé par les contribuables canadiens, Trudeau a dépensé des centaines de millions de dollars pour rendre ce système permanent », a lancé Michelle Rempel en conférence de presse.

S'il est élu en octobre 2019, le Parti conservateur reverra de fond en comble la façon dont sont établis les seuils d'immigration, a affirmé l'élue de Calgary. Ceux-ci seront établis pour correspondre de façon très étroite aux besoins en main-d'oeuvre spécifiques de chaque région du pays, en vertu d'un ensemble de nouveaux critères « transparents ».

Les conservateurs estiment aussi pouvoir faire un suivi beaucoup plus serré du degré d'intégration des nouveaux arrivants, en mesurant - et en publiant - une série de nouvelles données sur les immigrants chaque année, comme les avantages sociaux qu'ils retirent de l'État. Mme Rempel a toutefois été incapable de nommer un autre pays qui aurait réussi à appliquer une telle recette avec succès.

Michelle Rempel avance enfin que son parti réduirait « de façon draconienne » la quantité de migrants qui franchissent la frontière canado-américaine par le chemin Roxham, au Québec. Comment ? En « essayant d'abolir les échappatoires » qui existent dans l'Entente sur les tiers pays sûrs conclue entre le Canada et les États-Unis.