Nigel Wright a fait pression sur Mike Duffy pour qu'il rembourse le Sénat même s'il a reconnu à la GRC en 2013 que «légalement, il ne devait probablement pas» rembourser cet argent. L'avocat du sénateur suspendu, Donald Bayne, a amorcé son contre-interrogatoire de l'ancien chef de cabinet du premier ministre Stephen Harper jeudi matin, en offrant une version différente de celle présentée la veille lors de l'interrogatoire de la Couronne.

Mercredi, lors de la première journée du témoignage de M. Wright, ce dernier a indiqué qu'il avait décidé de rembourser discrètement à Mike Duffy les 90 000 dollars qu'il avait lui-même remboursés au Sénat parce que c'était la bonne chose à faire pour les contribuables.

M. Duffy faisait en 2013 l'objet d'une vérification de la firme Deloitte et d'une attention médiatique considérable au sujet des frais de subsistance qu'il réclamait au Sénat depuis 2010 en affirmant que sa maison d'Ottawa était sa résidence secondaire, même s'il habitait dans la capitale depuis les années 1970.

Mais Me Bayne s'est affairé jeudi à trouver une autre explication pour la générosité de Nigel Wright : en tant que chef de cabinet du premier ministre, son rôle principal était de préserver la réputation de son patron et il souhaitait d'abord et avant tout étouffer cette affaire.

«C'était de la gestion de crise politique! Ce n'était pas une question de rembourser les contribuables. Ce n'était pas une bonne action» a lancé l'avocat.

Il a accusé le témoin d'avoir élaboré avec d'autres employés du bureau du premier ministre un scénario pour faire faussement croire aux contribuables que Mike Duffy leur avait remboursé leur argent, alors que cet argent provenait véritablement du compte de banque de Nigel Wright. M. Wright a décidé de débourser ces fonds personnellement après le refus du Parti conservateur de le faire parce que la facture était devenue trop salée.

Me Bayne a présenté au témoin une autre déclaration faite à la GRC en 2013, dans laquelle il expliquait pourquoi il ne voulait pas rendre publique son implication financière dans le dossier.   

«Je ne crois pas que nous allions rendre cette information publique [parce que] le gouvernement serait content du fait que les gens croyaient que Duffy avait repayé», a alors déclaré M. Wright.

«Le gouvernement serait content que les Canadiens croient à tort que Mike Duffy avait remboursé!» a lancé Me Bayne.

Il a rappelé que son client avait maintenu dès le départ que les règles étaient ambiguës quant à ce qui représentait une résidence principale ou secondaire aux yeux de la Chambre haute, ce qui donnait droit de réclamer des indemnités quotidiennes ou allocations de logement de plusieurs milliers de dollars par année.

Nigel Wright a convenu que son bureau n'avait jamais eu d'opinion juridique formelle sur cette question, mais que c'était «notre opinion qu'il devait cet argent non pas sur une base légale ou technique, mais sur une base morale et de principe».

Le chef de cabinet, son entourage et le premier ministre lui-même ont donc participé à l'élaboration d'une entente avec M. Duffy pour le convaincre de rembourser cet argent au Sénat. Ce dernier a éventuellement affirmé qu'il n'avait pas les fonds pour payer et M. Wright a décidé de le faire à partir de son propre compte de banque. Le premier ministre Harper a toujours affirmé qu'il n'était pas au courant de cette dernière information, ce qu'a corroboré M. Wright hier. Les lignes médias élaborées par ses employés affirmaient cependant que Mike Duffy avait reconnu avoir commis une erreur d'interprétation et qu'il s'engageait à rembourser les contribuables.

Ces précautions n'ont toutefois pas étouffé la crise : l'affaire a éventuellement éclaté au grand jour, Nigel Wright a été congédié, le dossier de Mike Duffy a été référé à la GRC et il fait maintenant face à 31 chefs d'accusation de fraude et de corruption en lien avec ces réclamations de frais de subsistance et l'utilisation de son budget de bureau pour des dépenses non reliées à ses activités parlementaires. Il est aussi accusé de corruption d'un fonctionnaire et de fraude envers le gouvernement pour avoir accepté le chèque de 90 000 $ du chef de cabinet du premier ministre.  

Mike Duffy a plaidé non coupable à toutes ces accusations et il maintien à ce jour que les règles du Sénat n'étaient pas assez claires.