(Québec) Le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, en appelle au réalisme et estime que la cible d’immigration 100 % francophone annoncée par le premier ministre doit laisser une place à des exceptions, notamment dans la filière batterie. Cette sortie est appuyée par le Conseil du patronat.

« Ça serait le fun d’avoir 100 %. Mais il faut être réaliste et balancer ça avec les besoins », a lancé M. Fitzgibbon à l’entrée du Conseil des ministres mercredi.

La veille, François Legault avait annoncé qu’il souhaitait que l’immigration contrôlée par Québec soit 100 % francophone d’ici 2026 pour stopper le déclin du français.

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M. Fitzgibbon, qui est aussi ministre de l’Énergie, estime toutefois qu’il faudra prévoir des exceptions pour des domaines de pointe, comme des emplois d’experts dans la filière batterie. « Il faut y aller par cas. Par exemple, dans la filière batterie, il y a des Coréens qui sont ici avec [l’entreprise] POSCO. Il faut faire des exceptions. Il faut faire attention de mettre des règles générales », a-t-il lancé.

« Chaque cas est différent. Il faudrait regarder avec les expertises qui ne sont pas dans les pays francophones », a-t-il ajouté.

Prudence partagée

Ce point de vue est partagé par le Conseil du patronat. « Sincèrement, ce que moi j’ai entendu, c’est qu’on tende vers le 100 %. Ce qui est en soi n’est pas nécessairement une mauvaise nouvelle. On souscrit aux préoccupations du gouvernement », affirme le président du lobby, Karl Blackburn, en entrevue avec La Presse.

Il espère toutefois que le gouvernement se livrera à une « réflexion importante » avant de changer les règles du jeu.

Dans une [répartition] trop rigide, on pourrait se priver de talents importants pour les entreprises québécoises.

Karl Blackburn, président du Conseil du patronat

Il cite de son côté les domaines de l’intelligence artificielle, du génie, de la santé et des jeux vidéo, où des allégements pourraient être nécessaires. Ces entreprises ont « besoin de talents, peu importe où ils se trouvent [sur la planète] », a expliqué M. Blackburn.

Un grand bassin francophone, réplique Fréchette

De son côté, la ministre de l’Immigration, Christine Fréchette, tient un tout autre discours. « Il faut prendre conscience qu’il y a plus de 320 millions de locuteurs francophones. Je ne peux pas croire que parmi ces 320 millions, ceux qui voudront immigrer, qu’il n’y en a pas suffisamment qui correspondent aux besoins, aux profils », a-t-elle lancé.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Christine Fréchette, ministre de l’Immigration

Mme Fréchette a également précisé que la cible fixée par M. Legault est une immigration 100 % francophone ou francotrope, c’est-à-dire « parl[ant] une langue latine pour lesquels des transferts linguistiques s’opèrent plus facilement vers le français ».

Est-ce que les francophones vont suffire à répondre à notre demande ? Faudra-t-il viser des pays francotropes ? C’est ce qu’on va voir à l’usage.

Christine Fréchette, ministre de l’Immigration

Elle a souligné que son ministère tiendra une consultation en 2023 pour « débattre de la planification pluriannuelle » et que plusieurs enjeux seront soulevés, notamment les seuils d’immigrations, la régionalisation et la maîtrise du français par les candidats à l’immigration.

Elle gardera toutefois en tête la mission que lui a confiée le premier ministre : « prendre en considération le déclin qu’il y a en lien avec la langue française » et s’assurer que « notre politique d’immigration va améliorer la situation du fait français ».