(Ottawa) L’enquête publique sur le recours sans précédent à la Loi sur les mesures d’urgence par le gouvernement fédéral lors du siège du soi-disant « Convoi de la liberté », l’hiver dernier, doit démarrer jeudi. Des dizaines de témoins seront appelés, dont le premier ministre Justin Trudeau et les organisateurs de la manifestation.

Le gouvernement libéral a invoqué la Loi sur les mesures d’urgence le 14 février dernier, octroyant de facto des pouvoirs extraordinaires temporaires aux policiers pour expulser des gens se trouvant au centre-ville d’Ottawa et accordant aux banques le pouvoir de geler les comptes des personnes impliquées dans le siège.

Cette décision a été prise après près de trois semaines de manifestations lors desquelles des camionneurs paralysaient les rues du centre-ville d’Ottawa et d’autres avaient érigé des barricades pour bloquer l’accès à des postes frontaliers.

Les manifestants, qui avaient amassé des millions de dollars par l’entremise de plateformes de sociofinancement, réclamaient la fin de la vaccination obligatoire contre la COVID-19 et dans certains cas, le départ du gouvernement libéral de Justin Trudeau.

Un château gonflable, un spa et des dizaines de structures avaient été érigés par des manifestants dans les rues entourant la Colline du Parlement, à la mi-février, alors que des camionneurs laissaient tourner leur moteur et actionnaient leur klaxon jour et nuit jusqu’à ce qu’une injonction judiciaire vienne les forcer à réduire le niveau de bruit. Les manifestants avaient alors promis de rester.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, ARCHIVES LA PRESSE

Le bruit et le chaos ont mené à l’exaspération et la frustration des résidants du secteur. Le Service de police d’Ottawa et les autorités municipales ont décrit le centre-ville comme un « état sans loi » alors qu’ils ne parvenaient plus à maintenir l’ordre.

Justin Trudeau a évoqué « de sérieux défis pour les forces de l’ordre de faire appliquer la loi » au moment où il a annoncé son intention de recourir aux mesures d’urgence pour la première fois depuis l’adoption de la loi en 1988.

Il avait justifié sa décision par la nécessité d’assurer la sécurité des Canadiens, de protéger les emplois et de rebâtir la confiance du public envers les institutions.

Dans la Loi sur les mesures d’urgence, il est prévu qu’une enquête publique doit obligatoirement être déclenchée pour analyser la manière dont le gouvernement en est venu à prendre sa décision chaque fois qu’elle est invoquée.

La Commission sur l’état d’urgence et son commissaire, le juge de la Cour d’appel de l’Ontario, Paul Rouleau, vont devoir évaluer les arguments sur lesquels le gouvernement a appuyé sa décision ainsi que l’efficacité et la pertinence de recourir à cette loi afin de gérer la crise. La commission devra aussi déterminer si des changements devraient être apportés à la loi elle-même.

Comme elle a été mise sur pied le 25 avril dernier, la commission a déjà pu amasser des documents et interroger des dizaines de personnes, dont des organisateurs du convoi de camionneurs comme Tamara Lich, Chris Barber, Pat King et James Bauder, qui ont tous fait l’objet d’accusations criminelles.

Une première liste de témoins potentiels pouvant être convoqués lors des audiences inclut le maire sortant d’Ottawa, Jim Watson, des membres de la direction de la Ville d’Ottawa, des membres de la Commission de services policiers d’Ottawa ainsi que le directeur du Service canadien de renseignement de sécurité David Vigneault.

L’ancien chef de police d’Ottawa Peter Sloly, qui a remis sa démission pendant le siège, ainsi que son successeur par intérim Steve Bell devraient aussi témoigner. Même chose pour la ministre des Finances Chrystia Freeland et le ministre de la Sécurité publique Marco Mendicino.

Les pouvoirs temporaires accordés aux policiers ont permis de procéder à des arrestations, de distribuer des contraventions, de remorquer des véhicules et de geler des fonds.

La commission doit remettre son rapport final au Parlement avant la mi-février prochaine.