(Ottawa) « La haine en ligne ne reste pas en ligne. Elle descend dans les rues. » C’est ce que croit le ministre du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez, à qui les incidents menaçants dont ont été victimes des politiciens au Québec et au Canada — comme dans son pays natal, l’Argentine – donnent malheureusement raison.

C’est aussi un phénomène qu’il cherchera à enrayer en déposant son très attendu projet de loi sur la haine en ligne. La mesure législative sera présentée « le plus vite possible », a affirmé le ministre Rodriguez, rejoint à Vancouver, où il poursuivait vendredi sa série de consultations à ce sujet.

La semaine dernière, il était en Argentine. Et il est catastrophé par ce qui s’est joué jeudi soir à Buenos Aires, où la vice-présidente Cristina Kirchner a été victime d’une tentative d’assassinat. « C’est épouvantable. C’est un miracle que l’arme se soit enrayée », laisse-t-il tomber d’un ton soulagé.

Soulagé, mais inquiet.

Inquiet qu’un politicien au Québec ou au Canada ne soit victime de la même chose.

Il y a une montée de la violence un peu partout envers les politiciens. Ce qui circule sur les réseaux sociaux a souvent un impact. Souvent, les gens qui veulent causer du tort ou agir de façon violente apprennent comment le faire ou s’inspirent d’autres en ligne. Oui, tout ça est inquiétant.

Pablo Rodriguez, ministre du Patrimoine canadien

Le ministre Rodriguez doit arriver avec une partie du remède, que plusieurs réclament depuis des lustres. En juin dernier, un groupe de spécialistes sur la sécurité en ligne lui a remis un rapport devant le guider dans la rédaction du projet de loi.

Sans pouvoir, donc, entrer dans les détails d’une mesure législative non écrite, il dit vouloir agir en amont.

« L’esprit, c’est de responsabiliser les plateformes dès le début, c’est-à-dire de créer un milieu plus sécuritaire en ligne […] et créer un climat où elles ont cette obligation, avant même de juger du contenu, d’avoir un mécanisme de surveillance — tout cela, en tenant compte de l’importance de la liberté d’expression, qui est fondamentale », expose-t-il.

Pour ou contre le statu quo ?

Réticents au concept d’une intervention gouvernementale pour mettre au pas les « Big Tech », les troupes du Parti conservateur à Ottawa ont vite agité des drapeaux rouges quand Steven Guilbeault, anciennement à la barre du ministère du Patrimoine canadien, a commencé à plancher sur un projet de loi visant à les mater.

Le projet de loi, dont l’objectif est de bannir le contenu haineux et violent en ligne, mais aussi le matériel pédopornographique, n’a finalement jamais été déposé.

Celui que concocte Pablo Rodriguez a une approche plus préventive que « punitive », à son dire.

Et déjà, le vieux routier de la politique met la table en prévision de son dépôt.

Ceux qui n’en veulent pas vont devoir justifier le statu quo, nous dire que c’est correct ce qui se passe actuellement, que c’est correct que des enfants s’enlèvent la vie à cause de ce qu’ils ont vécu en ligne. Je veux les entendre justifier que le statu quo est viable acceptable pour la société.

Pablo Rodriguez, ministre du Patrimoine canadien

À Vancouver, d’où le ministre s’exprimait, il y aura la semaine prochaine une retraite du cabinet en prévision de la rentrée parlementaire du 19 septembre prochain.

À l’ordre du jour figurera entre autres l’enjeu de la sécurité des ministres fédéraux, dont Justin Trudeau a discuté ces derniers jours dans la foulée de l’acte d’intimidation dont a été victime la vice-première ministre Chrystia Freeland lors de sa visite en Alberta.

Plusieurs libéraux ont souligné à gros traits le fait que le favori de la course à la direction conservatrice, Pierre Poilievre, s’était contenté de dénoncer l’agression du bout des lèvres. Il l’a fait dans un entretien avec une station de radio locale de la Colombie-Britannique, mais pas sur les médias sociaux.