Christian Varin, ce fraudeur qui a arnaqué des centaines d’inventeurs québécois avec une « fédération fantoche » qui leur promettait des brevets sans faire la moindre démarche sérieuse, s’est fait passer les menottes en pleine cour, mercredi, et prendra le chemin de la prison pour les cinq prochaines années.

En prononçant sa sentence, le juge Alexandre Dalmau, de la Cour du Québec, a aussi interdit à perpétuité à l’homme de 65 ans d’accepter un emploi, rémunéré ou bénévole, où il pourrait avoir le contrôle sur les biens immeubles, les valeurs ou l’argent d’autrui.

« Justice a été rendue ! Ça boucle la boucle de six ans de période noire pour les inventeurs québécois », s’est réjoui Daniel Paquette, inventeur et ex-policier qui a été le premier à dénoncer le stratagème de M. Varin, alertant des enquêteurs et même des ministres du gouvernement Legault. « Le gouvernement doit se réveiller. On les a alertés, on leur a envoyé des dossiers, ils n’ont rien fait pour que ça arrête, si bien qu’on est passés de 200 à 1000 victimes », a ajouté M. Paquettte.

Christian Varin, en créant sa Fédération des inventeurs du Québec en 2014, a mis sur pied une « machine à imprimer de l’argent, construite sur la malhonnêteté », qui dépendait d’un site web « convaincant, qui donnait l’impression qu’une équipe de professionnels » était derrière lui. En réalité, ce n’était qu’un « appât pour ses proies », a souligné le magistrat, en lisant son jugement de 14 pages.

De faux brevets d’invention

La preuve a démontré que ce « charlatan du XXIsiècle » avait fait croire à environ 1000 victimes, moyennant de coûteux honoraires, qu’il leur obtiendrait un brevet en faisant des recherches approfondies dans des bases de données spécialisées. Mais dans les faits, les documents qu’il obtenait du Bureau des brevets américain étaient de simples accusés de réception qui n’avaient aucune valeur légale pour protéger les inventions.

M. Varin a ainsi dérobé environ 3 millions à ses clients, parmi lesquels se trouvaient tant des « patenteux » que des entrepreneurs aguerris, mais aussi des personnes plus vulnérables qui avaient des problèmes de santé mentale ou qui étaient autistes. Il les a tous volés « sans scrupules », a souligné le juge.

Se montrant repentant uniquement une fois sa culpabilité reconnue en janvier 2022, Christian Varin a rédigé une lettre qu’il a lue récemment devant le tribunal, en pleurant, s'excusant d’avoir anéanti « le projet d’une vie » de ses victimes. Mais compte tenu de ses mensonges répétés, « il est impossible de déterminer s’il est sincère ou si ce sont des larmes de crocodile », a conclu le juge.

« Le risque de récidive est bien présent » et M. Varin « doit faire un travail d’introspection » en prison, tranche le tribunal.

Sa fraude, « parmi les plus graves » qui soient en raison de la complexité du stratagème, du nombre élevé de victimes et de la durée du crime, aurait pu lui valoir jusqu’à sept ans de pénitencier, mais le juge a dû tenir compte du fait que l’arnaqueur avait redonné près de 300 000 $ à certaines victimes, dans le cadre d’ententes à l’amiable.

Un luxueux immeuble financé par la fraude

La Couronne, qui réclamait six ans de pénitencier, tente désormais de confisquer le « Pavillon des inventeurs », un luxueux immeuble de Shefford dans lequel M. Varin a versé 1,3 million d’argent volé.

Le ministère public espère le vendre et en restituer les fruits aux victimes.

Or, l’immeuble, considéré comme un produit de la criminalité, appartient à Sylvain Riendeau, conjoint de Christian Varin, à travers un bail emphytéotique de 20 ans, ce qui complique sa confiscation.

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Le « Pavillon des inventeurs », à Shefford

« Le Code criminel prévoit des dispositions de confiscation très musclées. Dans les circonstances, il appartient à M. Riendeau de prouver qu’il n’a pas fait de collusion avec M. Varin dans la perpétration de la fraude. Selon nous, il était complice principalement parce qu’il est le bénéficiaire ultime de l’immeuble », a souligné l’avocat de la Couronne, MNicolas Ammerlaan.

Une requête en confiscation de l’immeuble, évalué à 2 millions, sera débattue en novembre devant la Cour. L’avocat de Christian Varin, MNormand Haché, a déjà obtenu une hypothèque légale de 125 000 $ sur l’immeuble pour garantir ses propres honoraires.

En plus de la colère, les victimes partagent des « rêves brisés, une perte de confiance en soi » et, surtout, un « sentiment de honte » d’avoir été bernés par Christian Varin, a commenté le juge Dalmau.

« On ne pensait jamais qu’on allait voir le bout, et là, on l’a vu partir avec des menottes. Ça brasse ! En dedans, ça soulève beaucoup d’émotions », a ajouté Nancy Vigneault, une autre victime qui était présente dans la salle de cour.