Le fleuron montréalais Moment Factory vient de porter plainte à la police contre une ex-employée qui aurait volé plus d’un million de dollars à l’entreprise et à son personnel, a appris La Presse.

Georgia Tzanetakos, employée de 2015 à avril 2022, a manipulé le système de paie de l’entreprise pour diriger des sommes vers des comptes bancaires qu’elle contrôlait, allègue Moment Factory. L’entreprise s’appuie sur un rapport d’experts-comptables.

« Elle faisait partie de la famille. C’est ce qui fait mal », a confié Éric Fournier, l’un des grands patrons de la boîte multimédia, en entrevue. « C’est elle qui faisait toutes les paies des employés du bureau de Montréal. »

La fraude s’élèverait à « un peu plus d’un million de dollars sur sept ans ». Un peu plus de 250 employés auraient été touchés.

En mai dernier, Mme Tzanetakos a été condamnée à deux ans de détention à domicile pour avoir fraudé son employeur précédent, la chaîne de magasins Clair de lune, à hauteur de 750 000 $. La Lavalloise de 62 ans y avait travaillé de 2008 à 2014.

C’est en lisant la couverture médiatique concernant cette condamnation que Moment Factory a eu la puce à l’oreille. Mme Tzanetakos venait de démissionner de son poste de technicienne à la paie quelques jours plus tôt.

« On a fait 1 + 1 = 2. Elle était avec nous depuis 7 ans », a relaté M. Fournier. « À partir du mois de mai, on a mis en place une cellule d’investigation et une analyse juricomptable de [la firme] KPMG a trouvé une fraude chez Moment Factory. »

La situation ne met pas en péril la santé financière de l’entreprise, d’autant qu’elle était assurée. Moment Factory a acquis une renommée internationale dans le domaine de la création d’environnements multimédias immersifs.

La Presse a tenté de joindre Mme Tzanetakos via l’avocat qui l’a représentée, MRichard Tawil. Elle n’a pas rappelé.

Elle appréciait son train de vie

Mme Tzanetakos aurait profité de changements de statut, de départs en congé parental ou de transferts à l’étranger d’employés de Moment Factory pour trafiquer de façon « très subtile » le système à son profit, toujours selon M. Fournier. « C’était à des moments extrêmement difficiles à détecter pour l’employeur et l’employé. »

On parle d’environ 300 instances [de fraude alléguée] sur 50 000 transactions. Elle était extrêmement sophistiquée dans son approche. Je pense qu’elle faisait les choses en sachant que les mécanismes de contrôle ne pouvaient pas le percevoir.

Éric Fournier, l’un des grands patrons de Moment Factory

Ces allégations ressemblent à s’y méprendre au comportement pour lequel elle a été condamnée au criminel. Selon la justice, elle prenait pour cibles des employés à temps partiel ou des ex-employés de Clair de lune afin de leur attribuer des heures travaillées fictives, puis de s’approprier la rémunération qui en découlait.

Devant la justice, Mme Tzanetakos a affirmé avoir commencé à frauder son employeur pour rembourser une dette, puis avoir continué parce qu’elle appréciait son nouveau train de vie. « Comme elle n’avait pas de conséquences, elle a continué », a résumé la juge Karine Giguère de la Cour du Québec.

Mme Giguère a fait preuve de clémence envers la fraudeuse : la Couronne réclamait trois ans de pénitencier. La juge s’était notamment justifiée en soulignant que Mme Tzanetakos avait un nouvel employeur depuis plusieurs années et qu’aucun problème n’y avait été soulevé.

L’entreprise « aurait aimé ça le savoir avant »

Moment Factory a appris par les médias que son ex-responsable de la paie était une fraudeuse, mais Mme Tzanetakos a été accusée au criminel dès février 2020. Et l’enquête de police qui a mené à son accusation avait été bouclée quatre ans auparavant.

Éric Fournier « aurait aimé ça le savoir avant » que sa responsable de la paie était sous le coup d’accusations criminelles de fraude. Mais « le système a protégé la présomption d'innocence de la personne. Je dois respecter ça », a-t-il ajouté.

En attendant, il se concentre sur les éléments sur lesquels il peut agir. « [On se focalise sur] les employés, a-t-il dit. Évidemment, il y a beaucoup de personnes qui ont été touchées. On veut communiquer avec ces gens-là pour qu’ils comprennent qu’on va prendre soin d’eux, parce que ça peut devenir inquiétant. » Tout le personnel a été avisé. Moment Factory promet aussi de répondre aux questions de ses anciens employés inquiets et de ne pas attendre la fin du processus judiciaire pour payer les sommes dues à d’éventuels employés floués.

Il veut aussi passer un message aux autres employeurs : « C’est important qu’on soit à l’affût. On voit passer plein de choses, mais celle-là m’a surpris par son niveau de subtilité et de sophistication. »