Il est l’homme de 791 millions de dollars. Un fermier de Caroline du Nord qui était l’un des plus importants fournisseurs connus de tabac de contrebande destiné au marché québécois a été condamné jeudi à six ans et demi de prison aux États-Unis, pour avoir causé la perte de sommes « presque inimaginables » en taxes impayées au Canada.

Phil Caprice Howard, 55 ans, avait été arrêté par les enquêteurs du fisc américain en 2019. Il avait reconnu sa culpabilité l’automne dernier dans un stratagème d’exportation de tabac qui a duré neuf ans.

Selon la preuve exposée au tribunal à Raleigh, Howard n’achetait pas lui-même le tabac en vrac, afin de ne pas attirer l’attention. Il utilisait de nombreux intermédiaires qui achetaient à sa place auprès des fournisseurs de gros.

Il payait ensuite des camionneurs pour acheminer la cargaison dans la réserve mohawk d’Akwesasne, qui chevauche les États-Unis, le Québec et l’Ontario. Un groupe de contrebandiers locaux transférait le tabac dans des sacs de poubelle et lui faisait traverser le fleuve Saint-Laurent en bateau ou en motoneige, selon les enquêteurs.

De l’autre côté du fleuve, des membres des Hells Angels se chargeaient d’acheminer la marchandise jusqu’à des usines de cigarettes de la réserve mohawk de Kahnawake, près de Montréal.

Mafias et motards

Les procureurs américains ont souligné en cour que, malgré l’utilisation du territoire mohawk, de nombreuses organisations criminelles non autochtones s’enrichissaient avec ce commerce.

« Plusieurs des conspirateurs étaient liés au crime organisé », selon eux.

Les principaux bénéficiaires de la contrebande de tabac en vrac sont les membres du crime organisé qui sont derrière une grande part de l’activité.

Les procureurs américains

« Par exemple, les Hells Angels, la mafia russe et la mafia italienne, des organisations impliquées dans le trafic de drogue aux États-Unis, ont toutes été identifiées comme participant au marché des cigarettes de contrebande au Canada », ont expliqué les procureurs.

Au cours de l’enquête, les autorités américaines ont d’ailleurs découvert que Phil Caprice Howard avait essayé d’éliminer un intermédiaire en cessant de faire affaire avec ses complices d’Akwesasne et en organisant lui-même le passage de son produit à la frontière, pour augmenter ses profits. Son plan ne s’était pas concrétisé.

Couper la source

La poursuite a fait valoir les pertes de 791 millions de dollars canadiens en taxes fédérales et provinciales au Canada, causées par les 225 livraisons de tabac effectuées par l’accusé. « Le montant des pertes causées par l’accusé est presque inimaginable », selon les procureurs.

L’accusé a agi par « cupidité », alors qu’il faisait déjà des revenus d’environ 100 000 $ par année avec sa ferme de soja, selon la poursuite. « Il était capable de gagner honnêtement sa vie », ont déclaré les procureurs.

Ceux-ci ont souligné que des camionneurs travaillant pour le réseau ont été accusés au Canada, mais que l’effet sur le réseau était presque nul, puisqu’ils pouvaient être remplacés facilement. Ils ont invité le juge à imposer une peine sévère pour « couper la source » et décourager quiconque d’alimenter le marché noir canadien.

Le juge James C. Dever III a suivi leurs recommandations en imposant une peine de 78 mois de prison, assortie d’une pénalité de 1 million de dollars américains à payer et d’une confiscation de biens estimés à 2,2 millions de dollars.