(Trois-Rivières) La belle-mère de la fillette de Granby a ajouté du ruban adhésif sur la petite victime, le matin du 29 avril 2019. « Je sais que c’est une décision extrême, mais à ce moment-là, je n’ai jamais, jamais pensé que c’était dangereux. Je n’ai jamais pensé qu’elle allait mourir », a-t-elle déclaré dans un témoignage entrecoupé de sanglots, lundi.

Dès le début de la journée, son avocat, MAlexandre Biron, a annoncé que sa cliente n’était « pas consciente du danger de mort ». Celle-ci est accusée de meurtre au deuxième degré et de séquestration à l’endroit de l’enfant de 7 ans.

« Bien que des gestes regrettables aient été posés », elle n’a pas commis un meurtre, a-t-il fait valoir dans sa déclaration d’ouverture.

L’accusée a pris un instant pour s’adresser aux 14 jurés en les saluant lorsqu’une première question lui a été posée. « C’est à moi de vous expliquer mon histoire. J’avais hâte », a-t-elle dit, d’une voix stressée. Celle-ci était entourée de deux agents des services correctionnels. Des membres de sa famille se sont aussi déplacés pour la première fois, au palais de justice de Trois-Rivières, pour la voir et l’entendre.

La femme de 38 ans a affirmé que l’enfant avait été enroulée de ruban adhésif dans la nuit du 28 au 29 avril 2019, après qu’elle s’est enfuie de la maison. Elle a raconté que ce n’est pas elle qui a amorcé la contention, mais qu’elle a tenu les jambes de l’enfant pendant un court moment. La victime était vêtue d’une chemise pour adulte, les manches nouées à l’arrière, lorsqu’elle a été attachée.

Vers 8 h du matin, la belle-mère s’est fait réveiller par un bruit provenant de la chambre de la fillette. L’enfant était debout, près de sa fenêtre, et elle commençait à sortir ses petits doigts par le collet de la chemise, a déclaré la femme.

« J’ai juste pris le tape et j’ai roulé autour du torse », a alors raconté l’accusée, en pleurs. « Et j’ai serré au niveau de son torse. »

« Je ne peux pas dire le nombre de tours, peut-être une dizaine de tours », a-t-elle enchaîné.

La belle-mère a expliqué qu’elle croyait que la fillette était « en sécurité » en attendant son rendez-vous avec la pédopsychiatre, prévu à 15 h en après-midi. Elle ne voulait pas que l’enfant se blesse en sortant par la fenêtre ou qu’elle fasse tomber un meuble sur elle. Ceux-ci étaient disposés de façon à bloquer les fenêtres de la chambre à coucher. La femme espérait que la petite soit hospitalisée le jour même pour traiter ses troubles de comportement.

Malgré le ruban adhésif autour d’elle, la fillette a continué à sautiller. Puis, elle est tombée, a raconté l’accusée. Cette dernière a alors couché l’enfant au sol.

« Je l’ai couchée par terre. Dans l’autre sens, j’ai mis deux tours [de ruban adhésif] pour empêcher qu’elle puisse bouger », a-t-elle dit en sanglots. « J’ai passé le tape sur ses cheveux et je l’ai dirigé vers les pieds. Et j’ai remonté. »

« Je n’ai pas bloqué les voies respiratoires. Je le sais », a-t-elle ajouté, fermement. L’enfant criait pour qu’on la libère, a-t-elle soutenu.

Plus tard en matinée, la belle-mère a eu l’impression que l’enfant s’était calmée. Elle s’est dirigée vers la chambre de la fillette pour lui proposer de prendre son petit-déjeuner.

« C’est là qu’on a vu le visage de [la victime]. Ses yeux. Elle était inerte », a-t-elle laissé tomber. Des membres de sa famille ont fondu en larmes ; quelques jurés n’ont pas été capables de retenir leurs larmes. L’accusée a d’ailleurs eu besoin de quelques minutes pour se ressaisir. « Faites-nous signe quand vous serez prête. Il n’y a pas d’urgence », a dit le juge Louis Dionne à l’accusée.

La femme a affirmé que la victime avait davantage de ruban adhésif que lorsqu’elle a quitté la chambre, la dernière fois. « Le tape, ici, c’était coincé. Il y en avait trop. On n’était pas capables de déchirer », a-t-elle dit en pointant le bas du cou.

L’appel au 911 a été fait dans les minutes qui ont suivi la découverte de la fillette, selon l’accusée. La victime est morte à l’hôpital le lendemain.

« Elle se mutilait »

Plus tôt en journée, la femme a raconté ses premières rencontres avec la fillette, en 2014. « Elle est petite, elle est mignonne, elle a quand même beaucoup d’énergie… Elle est joviale. Elle est belle », a-t-elle dit.

Elle a toutefois indiqué que la fillette était suivie par la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) depuis sa naissance. L’enfant avait de nombreux rendez-vous avec des médecins pour des problèmes de comportement, selon l’accusée.

La victime était colérique, elle urinait sur le plancher, sur ses toutous et sur ses vêtements. Elle se grattait le nez et mettait du sang « partout sur les murs ». Elle avait également des troubles d’alimentation et de sommeil, a énuméré la femme de 38 ans.

Elle faisait des crises. Elle se mutilait, elle se grafignait, elle criait pendant des heures, pendant trois heures, pendant quatre heures.

L’accusée

La Couronne interrogera la belle-mère de la victime mardi. Des ordonnances de non-publication nous empêchent de nommer certains noms et de révéler certains détails des témoignages.