La commission Charbonneau a soulevé, aujourd'hui, de nombreuses failles le processus d'enquête de la Commission municipale du Québec qui remet en question de la pertinence de l'organisme créée en 1932.

« La Commission municipale est peut-être importante sur papier, mais on va voir quelle est son importance dans les faits », a lancé la juge France Charbonneau dès le début de la présentation de Thierry Usclat, vice-président éthique et déontologie à la Commission municipale.

La Commission municipale et à la fois un tribunal administratif, un organisme d'enquête et un organisme consultatif. En 1994, plusieurs pouvoirs lui ont été retirés au profit du ministère des Affaires municipales. Dix ans plus tard, un projet de loi a été proposé pour l'abolir, mais il est mort au feuilleton après deux ans.

Depuis l'adoption de la loi sur l'éthique et la déontologie en matière municipale en 2010, la Commission municipale a le mandat d'enquêter sur les manquements à l'éthique. Dans les faits, elle n'emploie aucun enquêteur. Ce sont ses juges administratifs qui mènent les enquêtes. Les juges administratifs de la Commission ne sont pas tous des juristes, a expliqué Usclat, certains sont des anciens chefs de cabinet ou des anciens hauts fonctionnaires. C'est pourquoi ils doivent être deux pour trancher, car il faut l'avis d'un juge administratif qui est avocat ou notaire.

«On peut mettre quelqu'un en prison avec un seul juge et il faut deux juges pour une cause où un élu a accepté un cadeau de 500$», s'est étonné le commissaire Renaud Lachance, qui co-préside les audiences publiques.

Usclat a aussi expliqué que le processus d'enquête sur un élu qui fait l'objet d'une plainte avant l'audition de la cause était plutôt succinct. Or, les séances sont publiques et peuvent être rapportées dans les médias.

« Il n'y a pas là la possibilité de mener un processus inutile qui affecte la réputation d'élus qui sont totalement innocents », s'est questionné Renaud Lachance.

Même si la loi ne le prévoit pas, Uscalt a aussi révélé qu'un élu est informé de l'identité du dénonciateur lorsqu'une plainte est portée contre lui. « C'est une règle qu'on s'est donnée », a-t-il admis.

En 2013-2014, la Commission municipale a reçu un budget de plus de 3 millions. Durant cette période, elle a mené 23 enquêtes en matière d'éthique et de déontologie, contre 877 dossiers d'exemption de taxes.

Pro-actif ?

La Commission municipale n'a pas mené une enquête à sa propre initiative depuis... 1988. Depuis 1996, une seule enquête a été déclenchée à la demande du gouvernement du Québec, en 2011 au sujet de l'administration municipale de Lamarche. Par ailleurs, une seule enquête a été menée sur l'administration financière d'une municipalité en 26 ans (en 2006) à la Régie municipale Argenteuil-Deux-Montagnes.

La Commission municipale ne peut pas se saisir elle-même d'une plainte à la suite d'un reportage qui soulève des manquements à l'éthique d'un élu. Une plainte doit être officiellement déposée, a dit Usclat.

« De toujours attendre un décret d'enquête, ça ne vous inquiète pas sur la réputation de la commission municipale? Sur son rôle? », lui a demandé Renaud Lachance.

Le témoin a répondu qu'il n'y avait pas de documents qui expliquaient les motifs pour lesquels des enquêtes n'avaient pas été déclenchées en 26 ans.

Et Laval?

Le procureur de la Commission, Me Paul Crépeau, a aussi tenté de savoir s'il y avait déjà eu des discussions au sein de l'organisme sur la possibilité d'ouvrir une enquête sur l'administration du maire Gilles Vaillancourt, aujourd'hui accusé de gangstérisme, de complot, de fraude, d'abus de confiance et de corruption aux côtés de son ancien directeur général Claude Asselin et de son ancien directeur des services d'ingénierie, Claude Deguise.

« Vous êtes le seul organisme habilité à enquêter sur une ville, avez-vous été proactifs au moment où il y avait plein d'allégations sur Laval sur la place publique? Êtes-vous allés sur le terrain », a demandé Me Crépeau.

Thierry Usclat, qui est en poste depuis 2011, a dit qu'il n'avait jamais assisté à une telle discussion.

Après le témoignage d'Usclat, la Commission entendra Jean Villeneuve, directeur général des finances municipales au ministère des Affaires municipales et de l'Occupation du territoire du Québec (MAMROT).