L’annonce, mercredi matin, de la fermeture prochaine de la résidence du Jardin botanique à Montréal a été accueillie avec beaucoup d’émotion par plusieurs résidants.

« Moi, j’ai deux cancers, quatre pontages, le VIH, l’hépatite C, une cirrhose du foie et les poumons quasiment finis. Comment tu veux que je déménage ? », demande Michel Lafrance, interrogé par La Presse devant la résidence après l’annonce. L’homme de 77 ans qui se déplace en fauteuil roulant habite à la résidence du Jardin botanique depuis quatre ans. Celui qui a eu une carrière de pompier dit payer 1000 $ par mois pour son un et demie.

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Michel Lafrance

Quand il a appris la fermeture de sa résidence, mercredi matin, M. Lafrance dit avoir « tremblé et pleuré ». « J’ai payé toute ma vie, et là, c’est ce qu’ils font avec nous, les vieux ? Ils nous mettent aux vidanges ? […] Je vais aller où ? Je ne peux pas me retrouver à la rue. Le peu de temps qui me reste à vivre, j’aimerais ça le vivre tranquille. »

Muni d’une canne, Normand Leclerc habite la résidence située au coin des boulevards Pie-IX et Rosemont depuis un an. Il y a emménagé après un séjour à l’hôpital. « Je ne sais pas où je vais aller… je vais demander l’aide médicale à mourir », affirme-t-il.

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Suzanne, 70 ans

Suzanne, 70 ans, vient de subir une opération à la glande thyroïde et est atteinte de dystrophie musculaire. Elle habite depuis trois ans à la résidence du Jardin botanique. « Ils nous disent, c’est bien de valeur les vieux : dehors. Juste les vieux. Les jeunes […] eux, ont toute la place », déplore-t-elle.

Daniel Cristorian ne sait pas non plus où il déménagera. L’homme de 64 ans habite la résidence du Jardin botanique depuis quatre ans. « Les jeunes vont pouvoir rester ici. Mais les vieux, on doit crisser notre camp […] Je me sens trahi. Le gouvernement se fout de nous. Il ne s’occupe pas des personnes âgées pantoute », dit-il.

Fermeture en août

La Presse a révélé mercredi que la résidence du Jardin botanique fermera ses portes, en août prochain. En tout, 62 personnes habitant la portion « autonome » de la résidence pour aînés devront déménager. Coordonnatrice du partenariat avec la communauté au CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal, Claudine St-Louis ajoute que 40 autres résidants occupent des lits de ressource intermédiaire dans l’établissement et devront être relogés.

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Ces personnes ont besoin de considérablement de soins. Mme St-Louis était présente à la résidence du Jardin botanique, mercredi matin, pour accompagner les résidants lors de l’annonce de la fermeture. Des infirmières et des travailleurs sociaux étaient aussi sur place. « Nous sommes là en soutien. Nous accompagnerons les résidants en fonction de leurs besoins », dit-elle.

Dans une déclaration acheminée à La Presse mardi, le propriétaire de la résidence du Jardin botanique, Kevin Moise Hazout, explique que « la décision de fermer la RPA repose essentiellement sur les difficultés majeures rencontrées au cours des deux dernières années pour recruter du personnel et accueillir de nouveaux résidants, le tout dans un contexte de hausse majeure des frais d’exploitation. Après avoir analysé en profondeur tous les scénarios, nous avons malheureusement dû nous résoudre à fermer la RPA. »

Sur place mercredi matin, le député de Québec solidaire Vincent Marissal a dit avoir « vu venir » la fermeture de la résidence du Jardin botanique, car des résidants lui avaient acheminé des avis d’augmentation de loyer. « L’opération éviction, comme toujours, se fait tranquillement », dit-il.

Pour Québec solidaire, le gouvernement devrait investir pour racheter ces résidences et les transformer en organisme sans but lucratif. « Oui, ça va coûter de l’argent. Mais mettre du monde dehors aussi. Et en plus, ce n’est pas tellement humain », dit-il.

La ministre responsable des Aînés, Sonia Bélanger, a affirmé mercredi vouloir mettre fin aux fermetures de résidences pour aînés. Elle a déclaré que des annonces étaient à venir à ce sujet.

En conférence de presse, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, a dit trouver « abominable » la fermeture de RPA. « On ne peut pas comme société accepter de tout d’un coup mettre des gens à la porte tout court. Et en plus des personnes aînées », a-t-elle dit.

Maire de Rosemont–La Petite-Patrie, François Limoges a expliqué qu’un règlement existe dans son arrondissement pour « protéger les résidences collectives ». « Le propriétaire est maintenant informé de ses responsabilités », a dit M. Limoges. Ce dernier a expliqué avoir appris mercredi qu’il y aurait « des bris de services » à la résidence du Jardin botanique. « Et ça [non plus], en vertu de notre règlement, ce n’est pas permis », a dit M. Limoges, en ajoutant que « des inspecteurs se rendraient très rapidement sur place » pour évaluer la situation.

Dans une déclaration écrite acheminée à La Presse mardi, M. Hazout assurait que d’ici la fermeture, « l’ensemble des services [seraient] intégralement maintenus » à la résidence du Jardin botanique. « Tout le processus se déroulera en conformité complète avec l’ensemble de la réglementation québécoise et municipale applicable dans les circonstances », a-t-il indiqué.

Avec la collaboration d’Isabelle Ducas