David Rozeboom est aumônier à la Maison des marins. Il écoute, renseigne et transporte des marins qui accostent dans le port de Montréal. Mais en décembre, à ces tâches s’en ajoute une autre : père Noël. Durant tout le mois, l’aumônier de 39 ans distribue des cadeaux de navire en navire : 1500, en tout. Des dons récoltés et assemblés par des bénévoles.

Ce jour-là, il en transporte 18 dans deux gros sacs en plastique transparent. Chaque cadeau est emballé dans un sac en tissu cousu à la main par des bénévoles. Sécurité oblige, David Rozeboom est un père Noël en veste de sécurité, casque jaune sur la tête. « Il y a trois niveaux de sécurité dans le port, explique-t-il, au volant de son minibus. Le port a son système de sécurité. Puis, chaque terminal a son propre système. Et il y a un système de sécurité sur chaque bateau. »

Direction : section 36. Le navire de 12 700 tonnes du groupe Desgagnés est à quai depuis la veille. À son bord, 18 marins. Des Philippins et des Ukrainiens.

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David Rozeboom échange avec des marins dans la salle à manger du navire Rosaire Desgagnés.

« Est-ce que vous pouvez ouvrir les cadeaux ? Est-ce que le capitaine préfère que vous attendiez à Noël ? », demande l’aumônier aux marins assis dans la salle à manger du navire. Le chef Carlo Lumacad a préparé des cuisses de canard et du riz blanc. Sur le comptoir, des fruits, des brioches et du café. La cuisine sépare la salle à manger des marins de celle réservée aux officiers.

« On préfère attendre », répond John Eguia, en acceptant de poser pour le photographe.

Qu’y a-t-il dans ces sacs cadeaux ? Un accessoire pour se tenir au chaud comme une tuque ou un foulard, une collation, un produit de toilette et un jeu. « Vous voyez, cette personne a mis un foulard, une tuque, des bas chauds, un déodorant, un calendrier 2024 et deux tablettes de chocolat », énumère Patty Sarazen, administratrice du Foyer maritime.

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Patty Sarazen, administratrice du Foyer maritime, prépare des sacs cadeaux pour les marins qui s’arrêtent a Montréal.

Maison des marins

La Maison des marins de Montréal est un organisme sans but lucratif fondé en 1961 et financé en partie par les compagnies maritimes. Sa mission est de « soutenir matériellement, socialement et spirituellement les marins du monde temporairement accostés au port de Montréal ».

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Photos exposées à la Maison des marins de Montréal

Jusque dans les années 1970, cet organisme hébergeait les marins qui arrivaient à Montréal pour travailler sur des navires. Mais depuis plus de 50 ans, les travailleurs arrivent par avion le jour où ils embarquent sur le navire. Tout est planifié. Plus besoin d’hébergement.

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Une chapelle est aménagée dans la Maison des marins de Montréal, au Grand Quai. On peut aussi jouer au tennis de table.

La Maison des marins est devenue un endroit où les marins peuvent se changer les idées, jouer au billard ou au ping-pong, boire une bière et acheter des souvenirs. Une petite chapelle leur permet aussi de prier.

Ceux qui accostent au port de Montréal viennent principalement des Philippines, de l’Inde et de l’Indonésie depuis quelques années. Ils passent généralement neuf mois en mer, et trois mois dans leur pays. Les femmes ? Elles sont pour ainsi dire inexistantes sur les bateaux.

En plus d’offrir le transport, David Rozeboom rend visite aux marins.

Ce matin, je suis allé sur un bateau, mais les marins voulaient juste aller sur Apple Store ! Ils ne voulaient pas parler de leur vie, d’un point de vue spirituel. Moi, je veux parler de ça, mais eux, ils veulent savoir combien coûte un iPhone, comment on peut se rendre [à la boutique] Apple !

David Rozeboom, aumônier à la Maison des marins

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Deux marins indiens, Sanket Pandire et Mahammed Asif, dans le minibus de la Maison des marins

La zone qu’il dessert s’étend sur 26 km, le long du fleuve Saint-Laurent.

« Le quai le plus loin est à 16 km d’ici », précise David Rozeboom, qui peut faire trois, quatre voyages par jour pour aller chercher des marins, les conduire en ville et les ramener quelques heures plus tard. « C’est 40 $ en taxi. Pour un marin, qui gagne 1200 $ par mois, dépenser 80 $ en taxi, aller-retour, c’est trop cher. Donc, on offre le transport gratuit. »

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Mahammed Asif, un marin de 46 ans, utilise la connexion WiFi de la Maison des marins pour échanger avec sa famille en Inde.

Vie sociale

La Maison des marins occupe un local au Grand Quai de Montréal depuis 2017. Avant la pandémie, elle recevait la visite d’environ 12 000 marins par année. Mais depuis, ce nombre est à la baisse. « J’ai l’impression que les marins se sont habitués à rester sur les navires depuis la pandémie parce que les compagnies maritimes ne les laissaient pas sortir, explique l’aumônier. Des fois, ils ne pouvaient pas mettre un pied à terre pendant 14 mois d’affilée », dit David Rozeboom.

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L’aumônier David Rozeboom visite tous les marins qui accostent dans le port de Montréal.

« La vie sociale a changé sur le navire, ajoute-t-il. Dans le temps, les marins travaillaient fort, mais à 17 h, ils étaient assis sur le pont, prenaient une bière, regardaient la mer et relaxaient. Aujourd’hui, avec l’internet, chacun est dans sa cabine, regarde un film, parle à sa famille au téléphone, ce genre de choses. »

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  • 2000
    Nombre de navires accueillis chaque année au port de Montréal
    Source : Port de Montréal