(Ottawa) Le débat sur une participation du Canada au programme américain de défense antimissiles balistiques est relancé. La ministre de la Défense, Anita Anand, affirme que cette option, qui avait été écartée en 2005 par l’ancien premier ministre libéral Paul Martin, est de nouveau sur la table. La guerre en Ukraine a complètement changé la donne en matière de défense du continent nord-américain, dit-elle.

La ministre Anand a indiqué que cette option serait évaluée dans le cadre du réexamen de la politique en matière de défense annoncé dans le dernier budget fédéral à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Cet examen permettra aussi de moderniser le NORAD, le Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord.

La ministre a relancé le débat sur cette épineuse question au moment même où des élus à Washington manifestent de nouveau leur impatience devant la lenteur du Canada à augmenter ses dépenses militaires d’une manière à respecter ses obligations envers l’OTAN.

« Nous examinons d’une manière approfondie cette option pour déterminer les moyens qu’il faut prendre pour assurer la défense du continent. Nous allons avoir beaucoup de choses à dire à ce sujet au cours des prochains mois. […] La guerre en Ukraine rend cet exercice encore plus nécessaire aujourd’hui », a indiqué mardi la ministre, à l’issue d’un discours sur l’avenir de la défense devant l’Institut canadien des affaires mondiales.

Appuis des conservateurs

Dans un rapport unanime publié en juin 2014, le Comité de la sécurité nationale et de la défense avait recommandé que, « dans le but de protéger la souveraineté, la sécurité et les intérêts nationaux du Canada, le gouvernement du Canada conclue un accord avec les États-Unis pour participer, comme partenaire, à la défense antimissiles balistiques ». Mais le gouvernement Trudeau n’avait pas donné suite à cette recommandation.

Les propos de la ministre ont provoqué de nombreuses réactions politiques. Le Parti conservateur a rapidement donné son appui à une participation canadienne au bouclier antimissile américain.

Selon le député Pierre Paul-Hus, le Canada n’a d’autre choix que d’adhérer à ce programme s’il veut assurer une défense pleine et entière du continent nord-américain avec les États-Unis.

« Au Parti conservateur, ça fait des années que l’on dit qu’il faut faire partie de ce programme. C’est une erreur historique de ne pas avoir été partenaire dès le début du programme alors que nous sommes partenaires du NORAD depuis 65 ans », a déclaré M. Paul-Hus.

Il a rappelé que le Comité de la défense nationale de la Chambre des communes s’était penché sur cette question en 2018, à la suite de la menace qu’avait laissé planer la Corée du Nord sur le continent.

« Je me suis rendu à la base de NORAD aux États-Unis pour en discuter et, à ce moment-là, j’avais demandé ce que feraient les forces américaines si un missile visait le Canada. La réponse du commandant de la base avait été assez claire : ‟Vous n’êtes pas dans le programme. Nous n’avons pas l’obligation de vous aider si un missile vise le Canada.” Il faut faire partie du programme et payer notre part si on veut une protection », a indiqué M. Paul-Hus.

Un réexamen justifié, selon le Bloc

Le Bloc québécois a pour sa part indiqué que le contexte géopolitique justifiait un tel réexamen. « Le contexte mondial actuel, bouleversé par l’agression russe, nous force à constater la désuétude de nos défenses militaires, notamment au nord du territoire et au niveau de la protection de l’espace aérien. Nous demandons donc une étude exhaustive afin d’évaluer les moyens qui nous permettront d’assurer la sécurité et la défense de nos frontières », a indiqué la députée Christine Normandin, porte-parole du Bloc québécois en matière de défense nationale.

« Avant toute chose, le gouvernement doit étudier les tenants et aboutissants d’une éventuelle adhésion du Canada au programme américain afin d’assurer que l’argent des contribuables est dépensé de la façon la plus efficace et la plus profitable à l’économie du Québec, leader mondial de l’aérospatiale », a-t-elle ajouté.

Le Nouveau Parti démocratique (NPD) a réitéré son opposition à une telle initiative. « Notre position à ce sujet n’a pas changé », a indiqué le chef adjoint du NPD, Alexandre Boulerice.

Le président de l’Institut canadien des affaires mondiales, Dave Perry, a salué la décision du gouvernement Trudeau de réévaluer l’option de participer au bouclier antimissile américain.

« Le monde est très différent depuis la dernière fois que le gouvernement canadien s’est prononcé sur cette question en 2005 », a affirmé M. Perry.