Dans la foulée de l’entrée par effraction de militants véganes à l’intérieur d’une porcherie de Saint-Hyacinthe, Les Éleveurs de porcs du Québec pressent le gouvernement Legault de créer une loi pour faire obstacle à l’introduction illégale dans des bâtiments de ferme.

Un tel projet de loi vient d’ailleurs d’être déposé en Ontario après des pressions du monde agricole.

Il y a quelques jours, le président des Éleveurs de porcs du Québec, David Duval, a officiellement envoyé une lettre au ministre de l’Agriculture, André Lamontagne, ainsi qu’à la ministre de la Justice, Sonia LeBel, et à la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, pour leur demander d’imiter l’Ontario.

Au début du mois de décembre, un projet de loi intitulé Security from Trespass and Animal Safety Act a été déposé à l’Assemblée législative de l’Ontario. Il prévoit des amendes pouvant aller jusqu’à 15 000 $ pour une première entrée par effraction dans un abattoir ou une ferme et jusqu’à 25 000 $ pour les entrées par effraction subséquentes. Avec cette loi, bloquer un camion qui transporte du bétail deviendrait aussi illégal.

« Il y a des endroits appropriés pour faire ce genre de manifestations là », a déclaré David Duval en entrevue avec La Presse, en ajoutant qu’il respectait les convictions des militants véganes.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

David Duval, président des Éleveurs de porcs du Québec

« Ça n’a pas de bon sens que les gouvernements fédéral et provincial investissent de l’argent dans la santé psychologique des éleveurs et dans le bien-être des animaux et que pendant ce temps-là, il y ait des groupes en train de faire complètement le contraire sur les fermes. Ça ne marche pas », dit-il.

Le Québec produit 7 millions de porcs par année et compte 2800 éleveurs.

L’attachée de presse du ministre de l’Agriculture, Laurence Voyzelle, a indiqué que le gouvernement n’était pas « en mesure aujourd’hui » de se prononcer sur des changements législatifs « potentiels. »

« Sachez que nous prenons très au sérieux les inquiétudes des producteurs de porcs, a-t-elle souligné. Le ministre Lamontagne l’a d’ailleurs mentionné directement aux producteurs de porcs lorsqu’il les a rencontrés au Porc Show. » Cet événement annuel rassemble tous les acteurs de la filière porcine au pays. Il s’est déroulé les 10 et 11 décembre.

Sit-in de plusieurs heures

Le 8 décembre dernier, 11 manifestants sont entrés dans une maternité porcine de Saint-Hyacinthe où ils ont tenu un sit-in durant plusieurs heures. Issus de la mouvance antispéciste, ils s’opposent à l’élevage d’animaux pour la consommation humaine. Ces derniers ont diffusé des images des bêtes sur les réseaux sociaux. Ils ont aussi demandé une rencontre avec le premier ministre François Legault, réclamant le droit de sauver les bêtes qu’ils estimaient en danger.

Or, la simple présence des manifestations a pu mettre la vie des truies en danger, souligne David Duval. Avant d’entrer dans une maternité porcine, il est nécessaire de prendre une douche et de se vêtir d’une combinaison propre qui n’a pas été portée à l’extérieur.

Enfreindre les règles de biosécurité peut mettre en jeu le bien-être de ces animaux-là.

David Duval, président des Éleveurs de porcs du Québec

« C’est comme si tu avais une opération à cœur ouvert et que le médecin cardiologue partait avec son masque, son petit chapeau, ses gants, ses pantoufles et qu’il arriverait à l’hôpital après être passé dans le métro et dans le taxi », dit David Duval.

Après plusieurs heures, la Sûreté du Québec a procédé à l’arrestation des manifestants. Ils ont été relâchés après avoir signé une promesse de comparaître. Ils pourraient faire face à des accusations d’entrée par effraction en vertu du Code criminel. Aucune accusation n’a été déposée pour l’instant. Selon Jean-Pascal Boucher, porte-parole du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP), les dossiers sont actuellement « sous analyse ».

Une manifestation est prévue le 27 janvier devant le palais de justice de Saint-Hyacinthe pour protester contre l’arrestation des manifestants.

Un autre évènement ?

Si l’entrée par effraction dans la porcherie de Saint-Hyacinthe a été présentée médiatiquement comme le premier évènement du genre au Québec, il pourrait s’agir en fait du deuxième. Selon David Duval, le 31 octobre dernier, environ 20 porcs ont été retrouvés à l’extérieur d’une porcherie située à quelques kilomètres de là. Il est improbable que des bêtes aient pu s’échapper du bâtiment par elles-mêmes ou par mégarde puisque les porcheries sont des lieux hautement sécurisés. La police a été appelée sur les lieux, mais personne n’a été pris sur le fait. Les Éleveurs de porcs ont mentionné cet évènement dans leur lettre aux ministres du gouvernement Legault.