Malgré l’inquiétude suscitée par la pénurie de main-d’œuvre, les Québécois se montrent peu ouverts à hausser les seuils d’immigration, révèle un sondage Forum Research. Le coup de sonde montre que l’idée de miser sur les nouveaux arrivants recueille toutefois davantage d’appuis si ceux-ci sont tenus de décrocher un emploi avant d’arriver au Québec et s’engagent à s’installer en région.

La pénurie suscite de l’inquiétude

Les deux tiers des répondants à ce sondage, mené les 11 et 12 juin auprès de 1471 personnes, se disent inquiets de la pénurie de main-d’œuvre (26 % sont très inquiets et 40 %, un peu). Le phénomène semble préoccuper particulièrement les personnes de 65 ans et plus, alors que 74 % d’entre elles sont inquiètes devant le manque de travailleurs. Chez les moins de 35 ans, 59 % des répondants se sont montrés préoccupés par la situation. « Les résultats montrent que les gens sont conscients du problème même s’ils ne le vivent pas directement », observe Luc Dumont, directeur général de Forum Research pour l’est du Canada. Impossible de savoir si l’inquiétude s’accentue, puisque c’était la première fois que la firme Forum Research posait cette question dans le cadre de l’un de ses sondages réguliers.

Pas de hausse de l’immigration

L’inquiétude face à la pénurie de main-d’œuvre a beau être répandue, l’idée d’aller chercher davantage de travailleurs à l’étranger pour pourvoir les postes vacants ne suscite pas l’adhésion. Ainsi, 61 % des répondants se sont dits en désaccord avec une augmentation des seuils d’immigration. « On voit que l’immigration sans condition n’est pas une bonne solution pour les Québécois », analyse Luc Dumont.

Idée polarisante

Les résultats du sondage montrent toutefois un net clivage sur la question des seuils d’immigration. Les répondants les plus favorables à augmenter le nombre de nouveaux arrivants afin de pallier la pénurie de main-d’œuvre se trouvent chez Québec solidaire (68 % en accord) ainsi qu’au Parti libéral du Québec (57 % favorables). À l’inverse, à peine le quart (25 %) des électeurs de la Coalition avenir Québec et 28 % de ceux du Parti québécois sont d’accord avec cette idée. « On voit que c’est assez divisé sur ce point », note Luc Dumont.

Contrat d’emploi et région

Si les Québécois sont frileux à l’idée de hausser le nombre d’immigrants, les répondants se disent largement favorables à l’imposition de certaines conditions. Ainsi, les deux tiers (65 %) des répondants se montrent favorables à l’idée d’obliger les immigrants à décrocher un contrat d’emploi avant leur arrivée au Québec. De plus, 70 % des répondants estiment qu’il faudrait lier l’obtention de la citoyenneté à un engagement à travailler en région pendant deux ans. « Non seulement les gens savent qu’il y a pénurie de main-d’œuvre, mais ils considèrent que le problème est plus important encore en région », poursuit M. Dumont.

La langue avant la pénurie

Pénurie ou pas, une courte majorité de répondants (52 %) s’oppose à l’idée de privilégier les besoins du marché du travail à la langue maternelle dans la sélection des immigrants. Tout près des trois quarts (73 %) des anglophones estiment toutefois qu’il serait judicieux d’omettre la langue maternelle dans les critères de sélection, contre seulement 44 % d’appui chez les francophones. Les électeurs libéraux sont davantage favorables à sélectionner les immigrants selon les besoins du marché plutôt que la langue maternelle : 68 % appuient l’idée. Les péquistes se montrent les plus frileux à cette proposition, puisqu’à peine 34 % l’appuient, contre 47 % chez les caquistes et les solidaires.

Recycler les travailleurs

Pour régler la pénurie de main-d’œuvre, les Québécois privilégient davantage le recyclage des travailleurs. Pas moins de 90 % des répondants estiment que le Québec devrait améliorer ses programmes permettant de se réorienter. « On veut privilégier ceux qui sont déjà sur le marché du travail. C’est clair qu’il y a un désir de ne pas trop bouleverser le marché du travail. On voit que les gens se préoccupent de leur propre avenir », constate Luc Dumont. À noter, les répondants se disent néanmoins favorables à 54 % à réduire la période de mise à niveau des formations imposées aux professionnels provenant de l’étranger.

Solutions peu populaires

D’autres solutions fréquemment évoquées pour régler la pénurie de main-d’œuvre reçoivent peu d’appuis. Ainsi, les Québécois s’opposent à l’idée de repousser l’âge de la retraite : 58 % des répondants sont en désaccord avec cette proposition. Le sondage montre aussi un refus d’abandonner certaines formations dans le réseau de l’éducation au profit d’autres plus demandées sur le marché du travail.

Méthodologie

La firme Forum Research a mené cette enquête les 11 et 12 juin auprès de 1471 résidants du Québec âgés de 18 ans ou plus et sélectionnés au hasard. Les résultats ont été obtenus lors d’un sondage téléphonique à réponse vocale interactive. La marge d’erreur est de 2,55 %, 19 fois sur 20. La précision des résultats des sous-échantillons est toutefois inférieure. Les résultats ont été pondérés pour être représentatifs de la population.