Il est de retour. Après une absence de deux mois et une cure de désintoxication, Rob Ford reprend lundi possession de son siège de maire de Toronto. À moins de quatre mois de l'élection municipale, ce retour est un pari risqué pour Ford, mais aussi sa dernière chance pour convaincre les électeurs qu'il peut encore diriger la Ville Reine.

«Il n'a pas le choix de revenir, alors aussi bien le faire progressivement pendant que les gens sont en vacances pour atténuer le choc médiatique, explique Danielle Pilette, professeure associée à l'Université du Québec à Montréal et spécialiste de gestion municipale et métropolitaine. Au mois d'août, il donnera déjà l'impression d'être en action quand les gens reviendront de vacances.»

Ce retour progressif est d'autant plus important que les élus municipaux de Toronto ne sont pas regroupés dans des partis politiques. En l'absence de Ford, aucun parti n'a donc pu occuper l'avant-scène pour lui.

Rumeurs

Des rumeurs ont circulé dans la Ville Reine selon lesquelles Ford assisterait au défilé de la Fierté gaie qui a eu lieu hier. Cela aurait causé toute une surprise parce qu'il a toujours refusé d'y participer et aurait même déjà tenu des propos homophobes, selon certains médias torontois.

Marquer un retour à la vie publique à la Fierté gaie aurait d'ailleurs été un autre pari risqué quand on pense que même les organisateurs du défilé du père Noël ne voulaient plus de lui. «Mieux vaut faire sa publicité personnelle comme il l'a toujours fait», croit Mme Pilette.

D'ailleurs, Ford n'a pas tardé à renouer avec ses habitudes. Samedi, il a été vu, dans une boutique de vêtements au nord de Toronto, se faisant prendre en photo avec des citoyens. «Ça montre qu'il est toujours accessible, c'est sa marque de commerce», ajoute-t-elle.

Le maire a encore quatre mois devant lui d'ici les élections du 27 octobre pour tenter d'imposer sa deuxième marque de commerce: l'image du maire qui réduit les dépenses de la Ville. Ford tentera de démontrer que les dépenses ont augmenté pendant son absence, dit l'experte, qui présume qu'il utilisera à nouveau son thème pour sa campagne électorale.

Les prochains mois ne seront pas faciles pour le maire. Avant son départ en cure, il avait été dépossédé d'une grande partie de ses pouvoirs au profit du conseiller Norm Kelly. Ford demeurera un maire affaibli, ce qui compliquera sa tâche.

«Il peut difficilement parvenir à faire de bons coups, mais il peut donner l'impression qu'il a des projets pour l'après-élection en s'appropriant des dossiers actuels et préparer sa plate-forme électorale», souligne Mme Pilette.

Nombreux scandales

Ford a été la cible de nombreux scandales dans la dernière année et a fini par reconnaître, après plusieurs mois de démentis, qu'il avait fumé du crack et avait des problèmes d'alcool. Le 30 avril, il a annoncé qu'il comptait suivre une cure de désintoxication, quelques heures après que le Globe and Mail eut publié un article dans lequel les journalistes affirmaient avoir vu une nouvelle vidéo du maire fumant ce qui semblait être du crack.

Même la cure de désintoxication du maire a été entourée d'une certaine controverse. Plusieurs rumeurs quant à l'endroit où il se faisait traiter ont circulé. En mai, le réseau CBC a parlé à un médecin qui a confirmé que le maire suivait un programme de désintoxication en Amérique du Nord, mais des élus municipaux ont continué à demander des preuves.

«Ce n'est pas très clair, toute cette histoire, et les résultats demeurent nébuleux, affirme Mme Pilette. Visiblement, il ne veut pas en parler en public et ça met en doute le sérieux de sa cure, et c'est pour ça qu'il mise sur ses marques de commerce.»

Une élection importante

L'élection du 27 octobre sera particulièrement importante pour Toronto. Le prochain maire devra s'assurer du maintien de certains programmes tels que l'entente sur le financement des infrastructures, et ce, avant que l'élection ne paralyse la machine fédérale. «Il y a un momentum très important à saisir pour le futur maire», explique Danielle Pilette, professeure associée et spécialiste de gestion municipale à l'UQAM. Jusqu'à tout récemment, Rob Ford était très proche des conservateurs au gouvernement fédéral. L'ancien ministre des Finances Jim Flaherty, décédé en avril dernier, était un ami de la famille Ford. «Maintenant que Jim Flaherty n'est plus là, de nouvelles relations doivent être nouées [...] surtout qu'il y aura des élections fédérales en 2015, explique Danielle Pilette. Et la grande question est : Ford a-t-il toujours ses entrées au gouvernement fédéral ?»