En 1950, l'alpiniste français Maurice Herzog s'étonnait de voir rouler des voitures dans la capitale du Népal. Aucune route ne reliait alors Katmandou au reste du monde. Les véhicules y étaient montés à dos d'homme, en pièces plus ou moins détachées. Portraits en quatre temps, 63 ans plus tard, de la capitale népalaise... qui a bien changé.

Le Katmandou masqué

En sortant de l'aéroport de Katmandou, la première impression qui saute au nez, à la gorge et aux yeux, c'est la pollution, presque palpable sur Ring Road. Voitures, camions, bus, motos, scooters noient dans leurs gaz d'échappement et leurs incessants coups de klaxon les vélos et minibus électriques, de même que les vaches, chèvres et chiens errants qui se mêlent à la circulation.

En ajoutant la fumée des feux à bois et des industries, un accroissement exponentiel de la population (estimée à 2,5 millions d'habitants pour l'agglomération), un emplacement au fond d'une vallée encerclée de montagnes dont on ne perçoit pas les contours les jours les plus noirs, on obtient l'une des villes les plus polluées d'Asie.

Les masques antipollution se vendent à tous les étals, ils se colorent, se mettent à la mode, preuve s'il en est qu'ils font partie de la panoplie vestimentaire d'un bon nombre de citadins.

Le Katmandou touristique

Point central du pays et d'arrivée des vols internationaux, Katmandou est un passage obligatoire pour la plupart des 500 000 visiteurs annuels. Les randonneurs avides de sentiers himalayens et les méditatifs inspirés ont remplacé les hippies qui peuplaient Freak Street dans les années 60.

Une grande partie de ces touristes se retrouve désormais dans le quartier de Thamel. Situé à 30 minutes à pied du coeur historique (Durbar Square), ce véritable ghetto est un amoncellement d'hôtels, de restaurants, de bars, d'agences de voyages, de boutiques de souvenirs et d'articles de plein air auxquels le logo des grandes marques est soigneusement ajouté par le couturier d'à côté. Pratique pour s'équiper avant de partir en trek, mais en avalant une pizza au son de musique pop internationale, le dépaysement n'est pas garanti.

Le Katmandou religieux

Dès l'aube, aujourd'hui comme depuis des siècles, la ville résonne au son des cloches et clochettes, les volutes d'encens parfument les rues, les soucis des vendeurs de fleurs colorent les trottoirs d'un orange safrané par le soleil naissant, c'est l'heure de la Puja.

Des milliers de fervents hindouistes se plient à ce rituel sur Durbar Square. La place est constellée de statues religieuses et temples aux toits en pagode, dont le Kasthamandap, datant du XIIe siècle et qui serait à l'origine du nom de la ville.

Des écoliers, des femmes en sari, des jeunes motards, des vieux porteurs, des milliers de personnes déposent des offrandes - du riz, des fruits, des fleurs, des chandelles - devant l'autel du dieu le plus propice à exaucer leurs voeux.

Quelques pétales délicatement placés sur la tête des bien-aimés, une touche de rouge de santal sur le front, et une nouvelle journée peut commencer sous les meilleurs auspices.

Pendant ce temps-là, les bouddhistes (10% de la population dans ce pays hindouiste à 80%) murmurent leurs mantras et font tourner les moulins à prières en marchant autour des stupas. Et en plein milieu de ces deux religions, les Newars (peuple originel de la vallée de Katmandou) se font les apôtres de la tolérance en réunissant les panthéons et pratiques de l'hindouisme et du bouddhisme. Complexe et fascinant.

Le Katmandou historique

Autour de Durbar Square, on trouve le labyrinthe des ruelles sombres et encombrées de la vieille ville. Ça grouille de monde qui se contorsionne pour passer d'une boutique à l'autre. Une foule compacte qui réussit toujours à se tasser, sans se presser, sans un soupçon d'impatience, pour laisser passer les motos, les vélos et les porteurs surchargés de marchandises.

Venelles odorantes et colorées, probablement aussi vivantes qu'au siècle dernier, quand la «route» vers le Tibet passait encore par là. Parfois aussi médiévales et miséreuses qu'à l'époque.

Au hasard des rues, on découvre le quartier des vendeurs de tissus, des maraîchers, des épiciers, des bijoutiers, des marchands de pots en cuivre. On bifurque pour admirer un temple, un effluve nous attire dans une allée minuscule, on déboule dans une cour intérieure bordée de maisons ancestrales aux façades en bois sculpté, et puis on se perd, inévitablement.

Le palais royal est lui aussi passé à l'histoire, il se visite désormais comme un musée. Le Népal a tourné la page des dynasties royales en 2008 et s'apprête à élire une assemblée constituante de cette nouvelle république.

En 2070 (année actuelle du calendrier népalais), les coupures de courant sont planifiées d'une façon quotidienne et en cette veille d'élections historiques, une grève générale paralyse une partie du pays. Un avenir incertain est en marche, mais les Népalais gardent leur douce nonchalance habituelle, teintée d'une pointe de fatalisme. Et Katmandou reste magique et étourdissant, surtout quand, après deux jours de grève restreignant la circulation, le ciel s'éclaircit et les pics enneigés de l'Himalaya se dévoilent à l'horizon.

Photo Rodolphe Lasnes, collaboration spéciale

Lorsqu'on séjourne à Katmandou, mieux vaut éviter le ghetto touristique de Thamel, et plutôt opter pour Patan et Bhaktapur, deux villes faisant partie de l'agglomération de la capitale et qui offrent un calme relatif.

Bonnes adresses

Dormir et manger

Café de Patan: Une bonne adresse dans Patan, à quelques mètres du Durbar Square de cette petite ville maintenant comprise dans l'agglomération de Katmandou. Chambres tranquilles et confortables à partir de 15$. Le restaurant sert une bonne cuisine népalaise avec quelques spécialités Newars. www.cafedepatan.com

Hira Guest House: Niché dans une ruelle de la vieille ville de Patan, cet hôtel de charme a conservé la belle architecture boisée des Newars et sa terrasse sur le toit donne directement sur le Golden Temple, un magnifique temple bouddhiste. Chambre double 60$. www.stayinnepal.com

Pagoda Guest House: Il faut séjourner au moins une nuit à Bhaktapur, à l'est de la capitale pour bien profiter de cette vieille ville de la vallée, qui a gardé l'atmosphère du Katmandou du siècle dernier. Chambres simples et agréables à partir de 15$; bon restaurant sur le toit, servant des spécialités Newars. www.pagodaguesthouse.com

Nandan: Un excellent petit restaurant indien, en dehors des secteurs touristiques, mais qui vaut le détour. Le thali et les pâtisseries sont particulièrement recommandés. www.nandan.com.np

Snowman: Ce café-pâtisserie de Freak Street est l'une des dernières adresses subsistant de l'époque hippie de Katmandou. L'atmosphère bohème et le goût des appétissants gâteaux n'ont guère changé depuis l'ouverture de l'établissement en 1965. Tél. 014 246 606

Visiter

Durbar Square de Katmandou: Le point central et historique de la capitale est incontournable. Préférez l'aube et le coucher de soleil pour une visite pleine de magie et de couleurs. Entrée 8$.

Patan Museum: Situé dans l'enceinte du palais royal de Patan, ce musée est un formidable endroit pour en apprendre plus sur l'histoire et les religions du Népal. www.patanmuseum.gov.np; Entrée 3$.

Bouddha stupa: En bordure de la ville, ce monumental stupa est un l'un des plus importants sites sacrés du bouddhisme. Entrée 2$.

Photo Rodolphe Lasnes, collaboration spéciale

Le niveau de pollution encourage le port du masque, en vente partout, avec divers motifs et couleurs disponibles.