Les touristes, effrayés par le printemps arabe, boudent un peu la Jordanie, alors que le pays est toujours sécuritaire. Notre journaliste y a fait une randonnée spectaculaire, dans un pays encore méconnu des voyageurs.

La nuit tombe doucement sur le campement. Assis autour d'une natte, nous nous versons du thé et grignotons des biscuits fourrés aux dattes en attendant le souper que nous mitonnent nos cuisiniers bédouins.

Nous entendons un bruit lointain, sourd. Le tonnerre? Non. Du pilonnage en Israël, de l'autre côté de la Grande vallée du Rift, une dépression où se succèdent notamment le lac de Tibériade, le Jourdain et la Mer morte.

Alors que la bisbille a repris en Israël, que la guerre civile fait rage en Syrie et que les manifestations agitent l'Égypte, la Jordanie reste paisible, les Jordaniens demeurent accueillants.

Au moment d'entamer une bonne soupe aux lentilles, nous sommes bien loin des tribulations du reste du Moyen-Orient.

Nous avons commencé un trek de quatre jours dans la spectaculaire réserve naturelle de Dana pour nous rendre aux portes de Petra, la ville mythique des Nabatéens. Aujourd'hui, nous quittons le fond de la Grande vallée du Rift pour gravir le massif rocheux qui borde l'est de cette dépression. Nous suivons d'abord un canyon, au fond tapissé d'arbrisseaux, des tamaris, avant de prendre progressivement de l'altitude.

Nous découvrons un monde minéral fascinant: cette roche, du grès, présente des nervures comme celles d'un arbre. Des motifs colorés s'étendent sur des surfaces rocheuses. Le vent a érodé ces rochers pour y sculpter des colonnes et des fenêtres.

Ce soir, je sors mon sac de couchage de la tente pour dormir à la belle étoile. J'émerge parfois de mon sommeil pour suivre des yeux la lente progression de la constellation d'Orion dans le ciel.

En matinée, nous suivons une crête montagneuse qui nous offre une vue imprenable sur Israël. Nous prenons notre goûter, et une bonne sieste, à l'ombre d'une paroi rocheuse. Quelqu'un remarque alors quelques cailloux bizarres à nos pieds. Des fossiles! À 1000 mètres d'altitude, nous trouvons des fossiles de petits crustacés, de moules.

Nous reprenons notre route pour descendre dans une étrange vallée, remplis de grands rochers blancs qui ressemblent étrangement à du chou-fleur. Nous montons nos tentes entre ces drôles de protubérances. Notre petit trek prend fin le lendemain de façon étonnante. Nous suivons un étroit défilé, gravissons un escalier dérobé pour brusquement aboutir... entre des étals de souvenirs! Après quatre jours à nous sentir seuls au monde, nous venons d'arriver à Little Petra, un ancien caravansérail en banlieue de Petra qui absorbait le trop-plein des caravanes qui visitaient la capitale nabatéenne, il y a 2000 ans.

Nous sommes de retour dans la civilisation.

Les secrets de Petra

C'est un passage un peu vertigineux. Le sentier se rétrécit entre une paroi rocheuse qui s'élève sur notre gauche et un ravin qui se creuse sur notre droite. Olivier, notre guide, se positionne de façon stratégique pour que tous les membres de notre groupe franchissent ce mauvais pas en toute sécurité.

Le sentier, taillé il y a peut-être 2000 ans, s'élargit et débouche sur un vaste terrasse rocheuse. Là, derrière un comptoir de cailloux empilés, un vieux Bédouin exhibe une théière fumante.

«Tea?»

Comment refuser? Nous nous asseyons sur des pierres et faisons honneur au thé chaud et sucré, en admirant un austère paysage de montagnes et de canyons.

C'est la face cachée de Petra: des sentiers secrets à flanc de montagne, des escaliers usés, de petits commerces sympathiques là où on ne les attend pas.

Nous reprenons notre route, montons, montons encore, pour finalement atteindre un des plus beaux monuments de Petra, le monastère. C'est la façade d'un ancien tombeau, creusé dans le roc, à la fois sobre et élégante. Protégée des vents dominants, la pierre n'a pas été trop érodée. Les colonnes, les corniches, le fronton, tout est net, pur.

Un large sentier bien dessiné, un escalier massif, nous permet de revenir sans encombre au coeur du site de Petra. Nul besoin d'être une chèvre de montagne pour l'emprunter.

Ce sont les Nabatéens, un peuple arabe, qui ont bâti la grande ville de Petra il y a de 2000 à 2500 années. Des tremblements de terre ont détruit pratiquement tous les temples et les habitations de cette cité. Mais les tombeaux creusés dans le flanc des montagnes ont survécu.

Maintenant un site du patrimoine mondial de l'humanité de l'UNESCO, Petra est la principale attraction touristique de Jordanie. Mais en raison de la situation problématique au Moyen-Orient, les touristes sont relativement peu nombreux ces temps-ci. C'est donc le moment idéal pour visiter ce site impressionnant.

Nous avons prévu trois jours pour explorer les coins et recoins de Petra. Mais pour entamer la visite, il faut absolument emprunter la voie royale, le Siq, cet étroit défilé qui s'étire sur un kilomètre avant de déboucher, dans une explosion de lumière, sur le Trésor, cette façade sculptée extraordinaire, ornementée, qui est devenue le symbole de Petra.

Plusieurs touristes trop pressés terminent leur visite ici. C'est pourtant ici que le plaisir commence.

Le défilé devient peu à peu vallée. De chaque côté, des monuments se succèdent: une nécropole, un immense théâtre, des façades de tombeaux royaux. Les monuments très érodés sont particulièrement fascinants: les angles sont arrondis, les couleurs de la roche, brun, rouge, rose, ocre, ressortent avec éclat.

Nous suivons une grande avenue ornée de colonnes pour atteindre les ruines d'une série de temples et de palais massifs et pour visiter de petits musées.

Nous passons deux jours supplémentaires sur le site de Petra pour poursuivre notre exploration, alternant entre les allées fréquentées et les petits sentiers dérobés, entre les tombeaux mystérieux et les belvédères aériens.

Les distances entre les monuments sont parfois grandes et plusieurs touristes choisissent de faire une partie du chemin à dos d'âne ou de dromadaire. Ce n'est cependant pas une garantie de grand confort: une touriste qui passe devant nous, bien secouée sur le dos de son dromadaire, arbore une expression souffreteuse et un teint parfaitement vert. Finalement, nous sommes bien mieux à pied.

Repères

> Le meilleur moment pour visiter la Jordanie est de mars à mai. Les journées ne sont pas trop brûlantes, les nuits sont fraîches, il y a profusion de fleurs sauvages. Les mois d'octobre et de novembre sont également très agréables. Il faut éviter les mois de juin à août, il fait trop chaud.

> On parle arabe en Jordanie, mais dans les sites touristiques, plusieurs parlent l'anglais. Le français est plus rare.

> L'agence française Allibert offre divers types de circuits en Jordanie. On peut réserver par internet ou par le biais de l'agence montréalaise Karavaniers.