Israël fait partie de ces pays qui font parler d'eux plus souvent qu'à leur tour dans les bulletins d'information et les journaux. Et rarement pour les meilleures raisons : son nom est plus souvent associé aux mots «conflit», «manifestation» ou «tir de roquette» qu'à «plage», «détente» et «vacances». Mais faut-il éviter de s'y rendre pour autant ?

Non, Israël n'est pas une destination tout à fait comme les autres, où l'on s'envole en pensant seulement à ne pas oublier son maillot de bain et son tube de crème solaire.

Une visite sur le site du ministère des Affaires étrangères du Canada donne le ton: «La plupart des Canadiens qui se rendent en Israël n'ont aucun problème. Toutefois, les conditions de sécurité pourraient changer rapidement», indique-t-on d'entrée de jeu. Les recommandations qui suivent sont étoffées. Le gouvernement suggère entre autres d'éviter les grands rassemblements, les endroits bondés et les manifestations, de même que les transports en commun, et ce, «en tout temps, surtout pendant les heures de pointe».

Et si Israël et Jérusalem sont classés dans la catégorie «Faire preuve d'une grande prudence», Ottawa recommande d'éviter tout voyage «non essentiel» près des régions frontalières avec le Liban, à Ramallah, Jéricho et Bethléem. Et carrément «tout voyage» dans le reste de la Cisjordanie, dans la bande de Gaza et les territoires limitrophes.

Alors, faut-il avoir peur?

«Pas du tout, estime Jean Paradis, qui planifie des voyages organisés dans la région depuis plus de 20 ans. Mais il faut bien connaître sa géographie, car c'est un véritable gruyère.» Ses circuits sont régulièrement redessinés pour tenir compte des derniers avis. Pas question de s'aventurer dans les régions classées par Ottawa aux niveaux 3 et 4 (comme Bethléem et Gaza), où les touristes ne seront pas couverts par leur assurance en cas d'attentat ou autre violence liée aux avis du Ministère.

«Si on établit bien son itinéraire, c'est un pays très, très sécuritaire», affirme-t-il.

Jean Bauer, qui se rend presque tous les ans en Israël et y a même vécu quelque temps, est du même avis. Ce professeur du département de science politique de l'UQAM, spécialiste du Moyen-Orient, aime raconter l'histoire de cette jeune fille qui, apeurée par la perspective d'un attentat, a annulé précipitamment un voyage en Israël, lui préférant une destination officiellement plus tranquille: Londres. Quelques heures après son arrivée, quatre explosions ont fait 56 morts et 700 blessés. Comme quoi, «aujourd'hui, peu importe où l'on va, on n'est jamais tout à fait à l'abri d'un attentat et l'on ne devrait pas se priver d'un voyage pour cela».

Les touristes sont nombreux à partager son point de vue: ils ont été plus nombreux que jamais à visiter Israël l'an dernier (3,5 millions de visiteurs, dont 100 000 Canadiens), un chiffre en hausse de 26% par rapport à l'année précédente. La plupart viennent d'Amérique du Nord. Les voyages religieux et historiques sont encore les plus prisés, mais les vacances en famille gagnent en popularité et Israël mise de plus en plus sur ses plages et ses activités de plein air pour séduire les touristes. Des voyagistes notent d'ailleurs que la baisse du tourisme en Égypte, en Syrie et en Tunisie, provoquée par les récentes violences, semble profiter à Israël, qui récupèrerait une partie des visiteurs.

N'empêche, des reculs sont observés après les incidents violents, «mais ils durent rarement plus de deux ou trois semaines, puis les réservations reprennent», note Maryse Casol, directrice des ventes de l'agence de voyages Groupe VIP. Hors des zones de conflit, c'est une zone comme les autres qui ne requiert aucune mise en garde particulière, assure Jerry Adler, porte-parole de l'Office de tourisme d'Israël au Canada.

La quantité d'hommes et de femmes en treillis peut surprendre, mais elle s'explique par le fait que le service militaire est obligatoire pour tous. On contrôle aussi régulièrement les sacs et les papiers d'identité depuis la seconde Intifada.

Pour ou contre?

Reste que les questions de sécurité ne sont pas les seules susceptibles d'influencer la décision de partir - ou pas - en Israël. Le collectif BDS - pour Boycott, désinvestissement, sanctions contre l'apartheid en Israël - s'oppose catégoriquement aux voyages touristiques en Terre sainte.

«La légitimité de l'essentiel des lieux que l'on pourrait visiter est contestée», souligne Stéphane Corriveau, militant actif du mouvement de solidarité avec la Palestine au Québec et coordonnateur québécois du bateau canadien qui devait aller à Gaza en juillet dernier. «Aller en Israël, c'est financer et renforcer le gouvernement, dont le principal poste budgétaire est l'armée. On ne peut pas faire abstraction de ça», ajoute-t-il.

Une position que Luciano Del Negro, du Centre des affaires israéliennes et communautaires juives du Canada, balaie d'un revers de main. Est-ce qu'on demande aux Québécois qui vont en vacances à Cuba s'ils appuient le régime castriste? Ou à ceux qui vont en Chine ce qu'ils pensent de la politique du parti unique? «On fait deux poids, deux mesures pour Israël, dénonce-t-il. Israël est un État démocratique, une société de droit.»

Les touristes peuvent demander aux services d'immigration israéliens de ne pas tamponner leur passeport, ou de le faire sur une feuille séparée pour s'éviter de mauvaises surprises au cours de voyages futurs dans certains pays arabes. Des Canadiens se sont déjà vu refuser le droit d'entrer en Syrie ou au Liban, entre autres, parce que leur passeport contenait un visa ou un tampon d'entrée en Israël.

À LIRE... pour réfléchir sur la question avant de partir :

>Israël, de Gilbert Martin, Éd. Gründ, 2008

> Atlas géopolitique d'Israël, de Frédéric Encel, Éd. Autrement, 2008,