Son toit est éventré, ses fenêtres ne sont plus que souvenir, des impacts d'obus criblent sa façade: le palais de Darul Aman, splendeur construite en 1920 par le roi Amanullah à Kaboul, est une ruine majestueuse, survivance d'un passé glorieux dans un pays ravagé par la guerre.

Dessiné par des architectes français et allemands pour un souverain resté dix ans au pouvoir, qui modernisa son pays avant d'être poussé à l'exil, le palais comportait tous les attributs des bâtiments royaux européens: sculptures de lions surplombant des colonnes, jardin quadrillé, arrondis art-déco sur sa façade.

Mais comme tant d'autres monuments de la capitale - et comme des dizaines de milliers de ses habitants -, il fut victime de bombardements violents dans les années 1990, lorsque la guerre civile entre talibans et combattants de l'Alliance du Nord dévasta Kaboul.

Ni les Afghans, ni la communauté internationale, n'ont depuis lors dépensé de fonds pour le reconstruire.

Fermé aux étrangers, le palais de Darul Aman, dont le nom peut signifier «la demeure d'Amanullah» ou «la demeure de la sécurité», est ouvert à tous vents, dans l'ouest de la ville. Quelque 300 Kouchi, une tribu de nomades, y ont un temps trouvé protection en 2010, avant d'en être chassés.

Depuis lors, l'édifice symbolise le rêve brisé d'un Afghanistan en paix, dans un pays en guerre depuis plus de trente ans.

«Chaque fois que je regarde le palais, je suis trop énervé. Je ne peux plus rien dire», observe Mohammed Gul, 52 ans, qui vend boissons et snacks, ainsi que des pistolets en plastique pour enfants, dans un étal près du bâtiment.

«Si ce pays devenait bon, tout le monde pourrait vivre en paix. Mais après le départ des Américains, il y aura trop de combats», assure-t-il. «Encore la guerre, encore les combats.»

Venue fin 2001 pour traquer Oussama ben Laden et chasser les rigoristes talibans du pouvoir, la coalition de l'Otan, dirigée par les États-Unis, lutte depuis lors aux côtés de l'armée et de la police afghanes contre l'insurrection, menée par les talibans, sans parvenir à la vaincre.

Soucieuse d'éviter un enlisement coûteux, la force internationale a annoncé qu'elle retirerait ses troupes (encore 130 000 hommes aujourd'hui) combattantes fin 2014.

Les forces de sécurité afghanes, qui comptent aujourd'hui 352 000 éléments, devraient passer à 228 000 troupes après 2014, les membres de l'Otan souhaitant alléger leur facture, ce qui pourrait accroître l'insécurité dans le pays. Nombre d'Afghans redoutent cette transition.

«La police et l'armée afghanes? Si une explosion ou une attaque-suicide se produisent, elles ne peuvent rien faire», acquiesce Mohammed Gul.

Un état d'esprit que décrit un rapport de l'International crisis group (ICG), paru lundi.

«Comme l'ont dramatiquement montré les violences généralisées provoquées par l'autodafé de plusieurs copies du Coran dans la base militaire (américaine) de Bagram en février 2012, tous les indicateurs montrent un ordre politique fragile qui pourrait rapidement se désintégrer, menant à une guerre civile», selon l'ONG.

De l'autre côté du palais, la construction d'un nouveau parlement a repris, après des années de retard, démontrant les difficultés de l'Afghanistan à rétablir un semblant de stabilité démocratique.

«Si les Américains quittent l'Afghanistan, ce sera comme en 1990 en 1991», estime Cena Durrani, un médecin de 30 ans, qui se dit «rempli de désespoir». Et d'ajouter : «Si j'étais le président de l'Afghanistan, je leur ferais un contrat pour qu'ils restent ici encore mille ans.»