(Wimbledon) Trop nerveuse pour saluer la foule, Elena Rybakina a sauté sur le court central avant la finale des dames à Wimbledon en empoignant, à deux mains, les bretelles de son sac de raquettes posé sur ses épaules.

Pas de salutation. Pas de regard vers les gradins. Son jeu en début de match a laissé paraître une certaine nervosité, ce qui est normal, puisqu’elle participait à son premier match de championnat en Grand Chelem en carrière.

Puis, deux heures plus tard, la Kazakhe est venue de l’arrière pour disposer de la Tunisienne Ons Jabeur 3-6, 6-2 et 6-2 en finale du tournoi de Wimbledon, samedi.

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Elena Rybakina

Il s’agit du premier titre du Grand Chelem en carrière pour Rybakina, 23joueuse mondiale. Et du premier de l’histoire de son pays.

Et même à ce moment-là, Rybakina est demeurée très discrète, émettant un faible soupir de soulagement, et un bref sourire.

« Je suis contente que ce soit terminé, pour être franche, a dit la jeune femme, car je n’ai jamais rien vécu de tel auparavant. »

Rybakina, une joueuse de 23 ans née à Moscou, représente le Kazakhstan depuis 2018, après que l’ex-pays de l’Union soviétique lui eut offert du financement pour sa carrière sportive. Sa décision a fait l’objet de discussions pendant le tournoi, puisque l’All England Club a banni tous les joueurs russes ou biélorusses de la compétition en raison de l’invasion de l’Ukraine.

C’était la première fois depuis 1962 que le match de championnat sur la pelouse anglaise opposait deux joueuses qui participaient à leur première finale en Grand Chelem en carrière.

Depuis l’informatisation des classements de la WTA en 1975, une seule femme moins bien classée que Rybakina a triomphé à Wimbledon – l’Américaine Venus Williams, alors 31e, en 2007. Williams avait cependant déjà occupé le premier rang mondial, et avait déjà gagné trois de ses cinq trophées en carrière à l’All England Club à ce moment-là.

« Tu possèdes un très bon jeu, et je ne crois pas que nous ayons quelqu’un comme toi sur ce circuit, a dit Rybakina à Jabeur pendant la cérémonie de remise des trophées. J’ai tellement couru aujourd’hui, je ne crois pas que j’aurai à m’entraîner avant un bout de temps. »

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Ons Jabeur

Jabeur participait aussi à sa première finale en tournoi majeur.

« Elle le méritait. J’espère que la prochaine fois, ce sera mon tour », a dit Jabeur, dont la forte personnalité sur le court et la joie de vivre à l’extérieur de celui-ci lui ont valu le surnom de « ministre de la Joie ».

« Elena m’a volé mon titre, a blagué Jabeur, mais c’est OK. »

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Ons Jabeur

Jeu en puissance

Rybakina a misé sur son puissant service et son coup droit dévastateur pour venir à bout de Jabeur, reconnue pour ses balles à effet. La Kazakhe a du même coup freiné à 12 la séquence de victoires de la Tunisienne, qui tentait de devenir la première ressortissante de son pays et la première joueuse africaine à décrocher un titre du Grand Chelem.

J’adore ce tournoi. Je suis tellement déçue. Mais c’est ça, le tennis. Il n’y a qu’une seule gagnante. Je suis vraiment contente, car j’essaie d’inspirer les prochaines générations de joueuses de mon pays. J’espère qu’elles ont regardé le match.

Ons Jabeur

Rybakina a démontré tout son arsenal dès le départ : un gros service – elle domine le circuit au chapitre des as en 2022 – et un coup droit incisif. Elle en a offert un aperçu dès le premier jeu, incluant un service à 119 mi/h (191 km/h) sur le premier point du match.

Jabeur n’a toutefois pas mis de temps à s’ajuster.

Pendant ce temps, les erreurs commençaient à s’accumuler du côté de Rybakina. Une volée dans le filet alors que le côté large du terrain était complètement ouvert. Un coup droit dans le filet après que Jabeur eut retourné de peine et de misère la balle de son côté du terrain. Puis, après un autre coup droit brouillon, Jabeur a brisé son adversaire à zéro pour s’adjuger le premier set.

Ce match n’a toutefois pas été un long fleuve tranquille, et Rybakina s’est ressaisie. Son service a retrouvé son mordant, pendant que Jabeur éprouvait des ennuis dans sa sélection de coups.

Le coup droit de la Tunisienne l’a ensuite laissée tomber, et Rybakina en a profité pour s’imposer au service et en fond de terrain aux deuxième et troisième sets.

Et quand Jabeur s’est révélée incapable de retourner le dernier service du match de Rybakina, celle-ci a paru soulagée, avant de sourire timidement.

Peu après, elle a escaladé le muret séparant le court de la première rangée de sièges avant de se faufiler dans la foule jusqu’à son équipe, pour la traditionnelle accolade de la victoire.