Les réalisateurs d’Au cœur du peloton, la série documentaire de Netflix sur le Tour de France, ont un peu forcé la note en présentant Jasper Philipsen comme un « désastre » sur deux roues.

C’est le sprinteur belge de 25 ans qui s’identifie ainsi dans le sixième épisode, mais le « surnom » semble lui être mis dans la bouche par l’intervieweur, qu’on n’entend pas intervenir.

Philipsen réagissait alors à la fin de la quatrième étape du Tour de France de 2022, où il célèbre hâtivement ce qu’il croit être sa première victoire à Calais. Mais le malheureux n’a pas vu son compatriote Wout van Aert (Jumbo) arriver une dizaine de secondes avant lui.

Un moment gênant qui ne faisait pas du coureur un pied de céleri pour autant. Mettons cela sur le compte d’une dramatisation obligée.

« Jasper Disaster » s’était débarrassé de cette épithète injuste en remportant le sprint de peloton de la 15étape à Carcassonne, où il avait eu le dessus sur van Aert grâce à un lancer de vélo imparable.

Après quatre deuxièmes et quatre troisièmes places, cette première victoire au Tour lui avait tiré des larmes. Il avait doublé la mise avec un succès de prestige à la dernière étape sur les Champs-Élysées.

Même sans l’aide de son poisson-pilote* habituel, Mathieu van der Poel, malade, Philipsen a poursuivi sur cet élan en broyant ses adversaires à la 11étape, mercredi, à Moulins.

Le représentant d’Alpecin-Deceuninck a décroché sa quatrième victoire en cinq sprints massifs depuis le grand départ de Bilbao. L’autre fois, il a fini deuxième derrière l’ex-champion mondial Mads Pedersen (Lidl-Trek).

L’intervieweur officiel lui a demandé s’il « [réalisait qu’il entrait] lentement dans l’histoire du Tour de France ».

« De quelle histoire parlez-vous ? », a répondu Philipsen, intrigué.

Si les huit succès d’Eddy Merckx (1970 et 1974), Freddy Maertens (1976) et Charles Pélissier (1930) paraissent intouchables, il pourrait atteindre les six étapes et se joindre à une multitude de coureurs au troisième rang, dont Mark Cavendish, qui a levé les bras six fois en 2009.

Je vois peut-être trois autres occasions pour le sprint, mais il y a aussi la possibilité que des gars tentent leur chance en échappée. Mais je suis déjà tellement heureux d’en avoir quatre jusqu’à maintenant. J’espère aussi me rendre jusqu’à Paris dans ce maillot [vert].

Jasper Philipsen

Guillaume Boivin ne voit pas qui viendra l’inquiéter. « C’est une domination totale », a acquiescé le coureur d’Israel-Premier Tech en pleine séance de massage, trois heures après la fin de l’étape.

« On le voyait déjà l’an passé. Cette année, même toute sa saison est exceptionnelle. »

Deuxième de Paris-Roubaix, derrière son coéquipier van der Poel, Philipsen a remporté deux étapes à Tirreno-Adriatico, gagné les classiques Bruges-De Panne, Grand Prix de l’Escaut et de Bruges avant de poser les roues à son troisième Tour.

« En plus de sa pointe de vitesse, il a une excellente équipe et il passe la montagne vraiment facilement comparativement aux autres sprinteurs, a souligné Boivin. J’ai donc l’impression que sa domination ne risque pas de changer d’ici la fin du Tour. S’il y a une chose, elle va peut-être être encore plus grande ! »

PHOTO BENOÎT TESSIER, ARCHIVES REUTERS

Guillaume Boivin

Après avoir passé une « sale journée » la veille au lendemain du repos, Boivin a vécu « complètement le contraire » mercredi, où il s’est pointé le nez en tête de peloton à 6 km et 3 km de la ligne. L’ambition était de placer son coéquipier Corbin Strong à un endroit favorable avant deux ronds-points critiques.

« Les autres journées, on était un peu trop en arrière. On a décidé d’essayer quelque chose de différent pour passer ces ronds-points qui étirent parfois le peloton pas mal.

« Quand je l’ai laissé, entre le 3e et le 2km, Corbin était quand même vraiment bien, peut-être 10e ou 12e. Mais à la reprise, j’ai vu que ça a beaucoup ralenti après. Le peloton a fait comme une boule et il a perdu des positions, je pense. »

Au moment de s’élancer, Strong a dû contourner Luka Mezgeg (Jayco AlUla), le lanceur de Dylan Groenewegen, malheureux deuxième. Neuvième vendredi à Limoges, le Néo-Zélandais de 23 ans a dû se contenter du 14échelon à Moulins.

Pour la 12étape, 169 km accidentés entre Roanne et Belleville-en-Beaujolais ce jeudi, Boivin espère aider un grimpeur à participer à l’échappée, voire à lui-même l’intégrer, comme il l’a fait dimanche lors de la victoire de son coéquipier Michael Woods au sommet du puy de Dôme.

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Qu’est-ce qu’un poisson-pilote ?

Le poisson-pilote, ou « lanceur », est le dernier cycliste qui ouvre la voie et « lance » le sprinteur désigné de son équipe vers la ligne d’arrivée. Possédant lui-même une excellente pointe de vitesse – et une capacité de « frotter » avec ses congénères à l’avant du peloton –, il doit la générer quelques centaines de mètres avant le fil avant de se ranger pour dégager la voie à son sprinteur. Ainsi, le dernier kilomètre du sprint de mercredi à Moulins s’est déroulé à une vitesse moyenne de 65,6 km/h pour Philipsen – sur un léger faux plat montant ! –, ce qui donne une idée de la vélocité de son poisson-pilote du jour, Jonas Rickaert.

Le top 10 de la 11étape

  1. Jasper Philipsen (BEL/ADC) les 179,8 km en 4 h 01 min 07 s (moyenne : 44,8 km/h)
  2. Dylan Groenewegen (P.-B./JAY) à 0 s
  3. Phil Bauhaus (ALL/TBV) à 0 s
  4. Bryan Coquard (FRA/COF) à 0 s
  5. Mads Pedersen (DAN/LTK) à 0 s
  6. Alexander Kristoff (NOR/UXT) à 0 s
  7. Luca Mozzato (ITA/ARK) à 0 s
  8. Peter Sagan (SVK/TEN) à 0 s
  9. Wout van Aert (BEL/TJV) à 0 s
  10. Sam Welsford (AUS/DSM) à 0 s

67. Hugo Houle (CAN/IPT) à 7,81 s. Guillaume Boivin (CAN/IPT) à 35,113 s. Michael Woods (CAN/IPT) à 1 min

Le top 10 du classement général

  1. Jonas Vingegaard (DAN/TJV) 46 h 34 min 27 s
  2. Tadej Pogačar (SLO/UAD) à 17 s
  3. Jai Hindley (AUS/BOH) à 2 min 40 s
  4. Carlos Rodríguez (ESP/IGD) à 4 min 24 s
  5. Pello Bilbao (ESP/TBV) à 4 min 36 s
  6. Adam Yates (GBR/UAD) à 4 min 41 s
  7. Simon Yates (GBR/JAY) à 4 min 46 s
  8. Thomas Pidcock (GBR/IGD) à 5 min 28 s
  9. David Gaudu (FRA/GFC) à 6 min 01 s
  10. Sepp Kuss (É. -U. /TJV) à 6 min 47 s

27. Michael Woods (CAN/IPT) à 30 min 41 s
82. Hugo Houle (CAN/IPT) à 1 h 32 min 14 s
127. Guillaume Boivin (CAN/IPT) à 2 h 04 min 09 s