(Bilbao) Formidable caisse de résonance pour toutes les revendications, le Tour de France, qui commence samedi, se prépare cette année encore à des actions de militants écologistes, alors que la question du changement climatique s’invite de manière de plus en plus aiguë dans le cyclisme et le sport en général.

Trous de golf bouchés, Grand Prix de Formule 1 chahutés, matchs de tennis et même parties de snooker interrompus… les évènements sportifs sont régulièrement visés par des activistes alertant sur l’urgence climatique. Le cyclisme a ceci de particulier qu’il est à la fois un moyen de transport propre et une activité inévitablement polluante au plus haut niveau.

« On prend l’avion tout le temps. Les camions des équipes vont sur les courses. Il y a les caravanes publicitaires et toutes les voitures suiveuses. C’est souvent un immense cortège. Notre métier n’est pas très vertueux sur le plan du climat », estime le coureur allemand Simon Gescke qui est devenu végan, « ma manière d’agir », dit-il.

Avec sa caravane, ses gadgets promotionnels déversés par millions, ses hélicos pour les invités et ses foules énormes, le Tour de France incarne, comme aucune autre épreuve cycliste, le paradoxe d’un sport qui est à la fois un outil de promotion des mobilités douces, mais aussi un émetteur de carbone.

Amaury Sport Organisation (ASO), la société organisatrice du Tour, dit faire des efforts et renvoie vers un bilan carbone réalisé en 2021 qui a montré que les émissions (incluant les émissions indirectes) avaient baissé de près de 40 % par rapport au précédent bilan effectué en 2013.

« Tribune médiatique »

Et en termes de pollution, la caravane publicitaire ne pèse, selon les chiffres d’ASO, pas bien lourd en rejetant 4505 tonnes de CO2 en 2021 sur un total de 216 000 tonnes (contre 341 000 tonnes en 2013). En fait, plus de 90 % proviennent d’émissions indirectes causées par les millions de spectateurs qui se rendent au bord des routes.

Mais certaines villes, comme Rennes en 2021, ont déjà refusé d’organiser le départ du Tour pour des raisons environnementales, dans la foulée des critiques du maire écologiste de Lyon Grégory Doucet qui avait jugé la course désuète et polluante.

Cette année, le Tour de France fera étape à Bordeaux pour la première fois depuis 2010. À la demande du maire écologiste Pierre Hurmic. « Il a fallu que je rencontre Christian Prudhomme (le directeur du Tour, NDLR) pour le persuader qu’une ville écologiste réclamait le Tour de France », dit l’élu à l’AFP, assumant vouloir casser l’image d’écolos opposés par nature au grand raout.

L’année dernière, le Tour de France a été visé à trois reprises par les militants écologistes de Dernière rénovation.

« On n’a pas envie de s’aliéner toute une partie de la population. Les spectateurs du Tour de France sont nombreux en France. Mais c’est une tribune médiatique extrêmement puissante », justifie leur représentant Nicolas Turcev auprès de l’AFP.

Cette année, les autorités guettent de nouvelles actions, notamment lors de la 9e étape le 9 juillet entre Saint-Léonard-de-Noblat et le Puy de Dôme. Elle doit passer par le plateau des Millevaches où la course de motos de l’En’duo du Limousin avait été perturbée en novembre.

« Contreproductif »

La surveillance y sera élevée, selon une source aux renseignements territoriaux, d’autant que l’étape aura lieu un dimanche ce qui offre une « fenêtre médiatique » maximale.

Christian Prudhomme se dit « ni plus ni moins inquiet que d’habitude » auprès de l’AFP. Tout juste fait-il remarquer que « bloquer le Tour est très souvent, pour ne pas dire toujours, contre-productif pour les gens qui le font ». « J’ai même parfois le sentiment qu’ils ne se rendent pas compte qu’ils se mettent eux-mêmes en danger. Car un peloton qui arrive à 50 km/h tu ne l’arrêtes pas comme ça. »

Depuis toujours le Tour de France – évènement de portée planétaire et donc « caisse de résonance phénoménale » dixit Prudhomme – est le réceptacle de revendications de tout ordre. Les responsables d’ASO en déminent souvent plusieurs par jour.

Mais l’écologie devient un sujet de plus en plus prégnant. « Ce genre d’actions vont se répéter », estime le coureur français Guillaume Martin, très concerné par « l’enjeu du siècle » et qui dit éprouver lui-même une « certaine forme de culpabilité » de pratiquer son métier.