Bien malin celui qui parviendra à déterminer quelle équipe sera en mesure d’exploiter au maximum les nouveaux règlements en vigueur en Formule 1 en 2022, à l’aube du premier Grand Prix de la saison au Bahreïn ce week-end.

Évidemment, il y a les suspects habituels : Red Bull et Mercedes, qui convoitera cette saison son neuvième championnat des constructeurs consécutif.

Mais il ne faut pas écarter Ferrari et McLaren trop rapidement, a souligné l’ex-pilote et analyste de la F1 au Réseau des Sports Patrick Carpentier. Ce dernier a offert un aperçu de la saison 2022 après avoir scrupuleusement analysé les résultats des deux séances d’essais hivernaux, à Barcelone et au Bahreïn, ces dernières semaines.

« Ce qui rend ce championnat-ci vraiment intéressant, c’est qu’il n’y avait pas vraiment de gagnants clairs lors de ces essais hivernaux », a d’abord mentionné Carpentier en entretien téléphonique avec La Presse Canadienne.

« Je pense que chaque circuit va nous apporter son lot de surprises, le temps que les équipes apprennent à connaître leur voiture. On a vu au début des essais au Bahreïn des voitures extrêmement difficiles à conduire, mais qui sont progressivement devenues plus dociles. Selon moi, en début de saison du moins, il risque d’y avoir des bris plus fréquents sur les voitures et des surprises dans les résultats des courses », a-t-il ajouté.

Un point de vue partagé par le promoteur du Grand Prix du Canada, François Dumontier, qui prêche la patience.

« Le but avoué des nouvelles voitures, c’est de permettre plus de dépassements. Est-ce qu’on va voir ça dès la première course cette saison ? Je ne suis pas sûr. Je pense que ça va prendre une certaine adaptation de la part des pilotes », a mentionné Dumontier, fraîchement rentré d’une rencontre de l’Association des promoteurs (FOPA) au Bahreïn.

Des airs de BT46 chez Mercedes

Toutefois, pas besoin d’être un expert pour voir à l’œil nu qu’une véritable petite révolution s’est produite cet hiver dans la conception d’une monoplace de F1.

Mercedes, habituée aux coups d’éclat en essais hivernaux, a d’ailleurs semé l’émoi en présentant sa voiture W13 sans ponton aux essais du Bahreïn. Une voiture qui a rappelé à Carpentier la voiture BT46 de l’écurie Brabham de 1978-79 dotée d’une turbine à l’arrière. Sauf que la sauce ne prend pas, pour l’instant.

« Les pontons sur cette voiture-là me font dire que (Mercedes) s’est grandement inspirée d’elle (la BT46). Tout ce que je peux dire pour l’instant, c’est que c’est très audacieux comme concept, mais habituellement Mercedes excelle dans ce domaine-là. Il ne faut toutefois pas oublier qu’en vertu de son championnat des constructeurs (en 2021), Mercedes est l’équipe qui a disposé du moins d’essais en soufflerie, contrairement à Haas, par exemple. Je pense donc qu’il reste du travail à faire avec la Mercedes W13 », a-t-il expliqué.

En plus des pièces aérodynamiques inédites, les 12 équipes du plateau ont dû s’adapter aux nouvelles dimensions des voitures, qui sont plus imposantes et plus lourdes, et des pneus, qui sont passés de 13 à 18 pouces. Tous ces changements ont provoqué leur lot de défis techniques, dont le phénomène de « marsouinage ».

« C’est un gros problème. C’est comme quand tu essaies de tenir la tête d’une balayeuse à quelques centimètres du sol ; elle va finir par s’y coller. C’est la même chose avec les voitures de F1, c’est-à-dire qu’elles se soulèvent et s’écrasent à répétition sur la piste », a imagé Carpentier.

« Red Bull et Ferrari ­­ — qui a confirmé lundi qu’elle disposera d’un nouveau fond plat pour sa F1-75 — sont parvenus à contrôler ça, contrairement à Mercedes. Personnellement, l’absence de pontons sur la Mercedes signifie que le fond plat est plus exposé que sur les autres voitures, donc il doit être plus exposé aux effets de torsion, ce qui explique la situation actuelle. Je crois donc qu’ils (Mercedes) se sont fait surprendre de ce côté-là », a-t-il renchéri.

Carpentier croit d’ailleurs que la porte est ouverte pour le pilote Max Verstappen, qui tentera en 2022 de défendre avec succès son premier championnat du monde au volant de sa Red Bull RB18.

« L’an passé, on a vu un Max Verstappen plus mature, plus patient un petit peu. On dirait qu’il a appris du maître Lewis Hamilton. Et en termes de talent brut, Verstappen est selon moi un pilote exceptionnel. Il est beaucoup plus jeune que Lewis, il commence à prendre confiance — c’est toujours difficile de gagner un premier championnat, car tu ne l’as jamais fait auparavant — et l’équipe (Red Bull) semble prête à mener le peloton. C’est donc définitivement lui qui pourrait relever le défi contre Hamilton », a confié Carpentier.

Aston Martin a déçu

En milieu de peloton, la lutte risque d’être encore très féroce. D’ailleurs, Carpentier doute qu’Aston Martin saura tirer son épingle du jeu.

« La hiérarchie ne disparaîtra pas cette année. Les équipes derrière Red Bull, Mercedes et Ferrari vont devoir continuer leur développement pour espérer combler l’écart — y compris Aston Martin. Pour être bien honnête, j’ai été déçu. […] Tu peux miser sur la fiabilité pour inscrire des points, mais à un moment donné ça prend de la vitesse pure. Et ça, je ne l’ai pas encore vu », a-t-il dit au sujet de l’équipe de l’homme d’affaires québécois Lawrence Stroll, qui comptera de nouveau sur le tandem formé de son fils Lance et Sebastian Vettel.

Mais comme l’a si bien rappelé Carpentier, tant que les voitures ne seront pas en piste pour les premiers essais libres au Bahreïn vendredi, rien n’est encore joué.

« Il y aura encore beaucoup de changements sur les voitures », a-t-il prévenu.

Et c’est ce qui rendra cette saison aussi intrigante.