Quatre formations relativement négligées - Connecticut, Kentucky, Butler et VCU - seront du Final Four, ce week-end, à Houston, pour l'apothéose du fameux March Madness.

Depuis le 15 mars, les exploits des 68 équipes universitaires qui participent au Championnat de la National Collegiate Athletic Association retiennent l'attention de millions de téléspectateurs et la finale, lundi soir, sera l'un des événements sportifs les plus suivis de l'année aux États-Unis.

On connaît pourtant déjà le vrai gagnant de cette compétition: la NCAA elle-même, qui va engranger près 700 millions, soit 90% de ses revenus, grâce aux droits de télévision et aux ventes de billets du tournoi. L'actuel contrat de télévision entre l'organisme et CBS a une valeur de 10,8 milliards pour 14 ans.

Dans une entrevue à l'émission Frontline, du réseau PBS, le président de l'organisme, Mark Emmert, a reconnu que pas moins de 96% des sommes versées par la NCAA à ses 1100 universités membres provenaient des revenus du basketball! Tous les autres sports réunis, même le football, ne financent qu'une infime partie des différents programmes sportifs nationaux.

Les grandes universités en profitent largement et certaines - Notre Dame, Duke, Florida, North Carolina, etc. - ont des ententes commerciales de plusieurs millions avec Nike ou Adidas. Les quatre finalistes sont d'ailleurs sous contrat avec Nike, qui va en profiter pour rentabiliser ses investissements de plusieurs dizaines de millions au niveau universitaire.

Organisme sans but lucratif aux termes de la loi, la NCAA n'en verse pas moins des salaires importants à ses dirigeants. Dans les universités, les directeurs de programme et les entraîneurs touchent souvent des salaires annuels supérieurs au million. John Calipari, l'entraîneur-chef des Wildcats du Kentucky, est le mieux payé avec un contrat de 4 millions par année.

Et les joueurs?

Bien qu'il soit délicat d'envisager que les joueurs-étudiants puissent toucher un «salaire» pour leurs exploits, de nombreux observateurs dénoncent l'exploitation actuelle de l'image des athlètes à des fins commerciales. Le «contrat» que doivent signer tous les étudiants participant aux activités sportives de la NCAA, qui les prive non seulement de revenus, mais aussi de plusieurs droits fondamentaux (droit sur son image et sa commercialisation), est actuellement contesté devant les tribunaux.

Joakim Noah, le centre des Bulls de Chicago qui a remporté deux titres consécutifs de la NCAA avec l'Université de la Floride, est comme son père Yannick un athlète qui n'a pas peur de dire ce qu'il pense. Interrogé par l'équipe de Frontline, le fils de l'ancien tennisman français a noté: «Pourquoi tant de gens font-ils autant d'argent avec le basketball universitaire?

«Et pourquoi les athlètes-étudiants, une fois leur carrière universitaire terminée, ne toucheraient-ils pas une part de ces revenus? a poursuivi Noah. Il s'agit d'une situation qui doit être exposée au public.»

Le président Emmert défend vigoureusement la notion d'amateurisme dans le sport universitaire. «Il ne serait pas acceptable de transformer nos étudiants en salariés, a-t-il déclaré à Frontline.

«L'amateurisme signifie ici que ces jeunes hommes et femmes sont des étudiants; qu'ils fréquentent nos institutions pour acquérir une éducation de qualité tout en développant leurs habiletés athlétiques et en évoluant au plus haut niveau possible. Et pour eux, c'est une opportunité très intéressante.»

Moins de 2% des athlètes de la NCAA poursuivront leur carrière chez les professionnels et les autres ont effectivement tout intérêt à profiter de leurs bourses d'études pour aller chercher une formation que d'autres doivent payer plus de 100 000$.

Cela dit, est-il «juste» de retrouver les joueurs des meilleures équipes universitaires dans des jeux vidéo, de reconnaître les vedettes sur les boîtiers de ces jeux, sans que leurs noms soient mentionnés nulle part ou qu'ils touchent la moindre part des revenus? Simplement parce qu'ils ont accepté de signer un contrat?

Cette question est au coeur des poursuites intentées par d'anciens athlètes-étudiants contre la NCAA et regroupées dans un recours collectif qui pourrait révolutionner le sport universitaire américain.