Une trentaine de personnes ont été tuées mardi dans l'effondrement d'une longue portion d'un viaduc de l'autoroute A10 à Gênes, dans le nord de l'Italie, qui a précipité voitures et camions dans le vide d'une hauteur de 45 mètres.

«Malheureusement, il y a une trentaine de morts confirmés et beaucoup de blessés graves», a déclaré le ministre de l'Intérieur Matteo Salvini, lors d'un point de presse à Catane (Sicile), alors que les secours continuent de fouiller les décombres.

«Ce pont, je suis passé dessus des centaines de fois, mais désormais je ferai tout pour avoir les noms des responsables passés et présents. Il est inacceptable de mourir comme ça en Italie», a-t-il martelé.

La base du viaduc faisait l'objet de travaux de consolidation, selon la société italienne des autoroutes.

Sur place, des dizaines de secouristes, accompagnés de chiens, s'activaient autour des restes du pont et de carcasses de camions et de voitures écrasées, voire enchevêtrées dans la structure. Des pompiers évacuaient des corps sur des civières, tandis que des hélicoptères attendaient les blessés.

«Les premières victimes de surface ont été évacuées, maintenant il faut rechercher sous les décombres des bâtiments, mais il y a des milliers de tonnes de béton», a rapporté à l'AFP un pompier français venu en renfort, Patrick Villardry.

Anticipant un bilan élevé du nombre de victimes dans cet effondrement de pont, le plus meurtrier en Europe depuis 2001, le ministre des Transports et des Infrastructures, Danilo Toninelli, avait évoqué «une immense tragédie».

Le chef du gouvernement, Giuseppe Conte, est attendu dans la soirée à Gênes.

Le pont dit Morandi, du nom de son concepteur, s'est effondré vers 6h sur une soixantaine de mètres.

Des images de télévision ont montré un camion vert arrêté juste avant le trou béant du pont écroulé.

Certains habitants, proches des lieux, ont confié à des médias italiens avoir d'abord pensé à «un tremblement de terre» en entendant le bruit assourdissant. D'autres ont raconté avoir vu la foudre s'abattre sur le pont juste avant la tragédie.

Au moment du drame, les précipitations étaient intenses à Gênes, alors que les services météorologiques avaient émis une alerte aux orages et aux fortes pluies.

En contrebas du pont se trouvaient essentiellement des voies ferrées et une usine, dont seul le stationnement semble avoir été touché. L'entreprise était vide à l'approche du 15 août, jour férié, à l'exception de la présence d'une équipe de maintenance.

Travaux en cours



Un enfant figure parmi les morts, selon le porte-parole de l'UNICEF. Et un routier tchèque de 47 ans a été blessé, a déclaré à l'AFP Tomas Kubicek, un responsable de son entreprise à Prague.

«Il a le nez et quatre côtes cassés, et un poumon perforé. Son état est stable, mon collègue lui a parlé. Il est heureux d'avoir survécu», a-t-il précisé.

Selon la société italienne des autoroutes, «des travaux de consolidation étaient en cours sur la base du viaduc», qui faisait l'objet «d'activités constantes d'observation et de vigilance».

À la Bourse de Milan, le groupe Atlantia, qui possède la société d'autoroutes, a plongé de 10% après l'accident.

«Les premières indications sembleraient indiquer que la maintenance avait été faite», a déclaré M. Toninelli, avant de sembler remettre immédiatement cette affirmation en cause.

«Ces tragédies ne peuvent pas arriver dans un pays civilisé comme l'Italie. La maintenance est prioritaire sur toute autre chose et les responsables devront payer», a-t-il insisté.

L'autoroute A10, dite «autoroute des fleurs», relie Gênes à Vintimille, à la frontière française. En raison du relief très accidenté de la région, entre mer et montagne, son parcours est jalonné de longs viaducs et de tunnels.

La semaine dernière, les services de secours italiens avaient déjà été mis à l'épreuve avec l'explosion d'un camion-citerne sur le périphérique de Bologne, qui avait fait un mort et une centaine de blessés.

La France est aux côtés de l'Italie» et «se tient prête à apporter tout le soutien nécessaire», a assuré sur Twitter le président français Emmanuel Macron.

La chancelière allemande Angela Merkel a elle aussi présenté ses condoléances sur Twitter: «Tout comme de nombreux Allemands, je pense aux victimes et à leurs proches».

Un ouvrage truffé de problèmes

Le pont autoroutier de Gênes dont une portion s'est écroulée mardi est un ouvrage en béton des années 1960, truffé de problèmes structurels dès sa construction et objet d'un coûteux entretien selon des experts.

«Pont Morandi à Gênes, une tragédie annoncée», titrait mardi le site spécialisé «ingegneri.info», en soulignant que l'ouvrage avait toujours fait l'objet de «doutes structurels».

À l'appui l'analyse très technique d'Antonio Brencichun ingénieur et professeur à l'Université de Gênes, spécialiste du béton.

«Le viaduc Morandi a présenté dès le départ des aspects problématiques», commente-t-il, en évoquant une augmentation imprévue des coûts de construction, ainsi qu'une «évaluation erronée des effets différés (viscosité) du béton qui a produit un tablier non horizontal».

Une anomalie de la voie rendue plus acceptable après des corrections répétées, note M. Brencich.

Le Pont Morandi a été construit entre 1963 et 1967. Ses mensurations sont impressionnantes: travée principale de 219 mètres, longueur totale de 1,18 km, piles de 90 mètres.

La technologie du béton armé précontraint était la marque de fabrique de son concepteur, l'ingénieur italien Riccardo Morandi, célébré en son temps et aujourd'hui décédé.

Fort du brevet «Morandi M5», il avait utilisé cette technologie pour d'autres ouvrages, comme une aile d'un stade de Vérone en 1953.

Cette technique caractérise aussi un autre pont problématique plus long de Morandi, complété en 1962: le pont General Rafael Urdaneta qui enjambe la baie de Maracaibo, au Venezuela, d'une longueur de 8,7 km et doté de 135 travées.

«Confiance illimitée dans le béton armé»

En 1964, un pétrolier avait heurté ce pont, dont deux piles s'étaient écroulées dans la mer.

Le site «ingegneri.info» note que ce type d'infrastructure devrait avoir une durée de vie d'au moins 100 ans. Or dès ses premières décennies d'existence, l'ouvrage a fait l'objet de travaux de maintenance importants liés en particulier aux fissures et à la dégradation du béton.

Au début des années 2000, les câbles de suspension des années 1980 et 1990 ont par exemple été changés.

«Il y a 50 ans, on avait une confiance illimitée dans le béton armé. On pensait qu'il était éternel. Mais on a compris qu'il dure seulement quelques décennies», a expliqué dans la presse italienne Diego Zoppi, ex-président de l'ordre des architectes de Gênes.

«On n'a pas tenu compte à l'époque des continuelles vibrations du trafic, car le ciment se microfissure et laisse passer l'air, qui rejoint la structure interne en métal et la fait s'oxyder», note-t-il, expliquant ainsi les constantes opérations de maintenance du pont Morandini.

«L'Italie construite dans les années 1950 et 1960 a un besoin urgent de restructurations. Le risque d'écroulement est sous-estimé. Les ouvrages construits à cette époque sont en train d'arriver à un âge où ils deviennent à risque», a prévenu l'architecte.

La société autoroutière avait récemment lancé un appel d'offres de 20 millions d'euros (29,7 millions CAN) pour des interventions sur le viaduc, rapporte l'agence de presse économique Radiocor.

Cet appel d'offres prévoyait précisément un renforcement des câbles de certaines piles (structures verticales qui soutiennent les arches d'un pont), dont la pile numéro 9, celle qui s'est écroulée mardi.

Compte tenu de l'importance de cet axe routier qui voit passer chaque année 25 millions de véhicules, l'hypothèse d'une démolition de l'ouvrage avait même été étudiée en 2009.

PHOTO VALÉRIE HACHÉ, AFP

Le site «ingegneri.info» note que ce type d'infrastructure devrait avoir une durée de vie d'au moins 100 ans. Or dès ses premières décennies d'existence, l'ouvrage a fait l'objet de travaux de maintenance importants liés en particulier aux fissures et à la dégradation du béton.