Trois personnes ont été tuées et deux grièvement blessées vendredi dans le sud-ouest de la France lors d'attaques perpétrées par un assaillant abattu par les forces de l'ordre et revendiquées par le groupe État islamique (EI).

L'assaillant, Radouane Lakdim, un Français d'origine marocaine de 25 ans, a mené ses attaques «seul» à Carcassonne et Trèbes, une petite ville située à moins de 10 km de la célèbre cité fortifiée, a indiqué le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb.

Christian Guibbert, un ex-policier présent dans le supermarché où l'assaillant a terminé sa course, a raconté à l'AFP avoir «vu un individu très excité qui avait une arme de poing, un couteau et qui criait Allah Akbar», et qui a tiré «cinq ou six coups de feu».

«Moi, j'étais à cinq mètres de lui», a raconté de son côté un vigile du supermarché, qui veut garder l'anonymat. «Il m'a tiré deux fois dessus. Il tirait mal», a ajouté cet homme, qui a indiqué avoir fait «évacuer le personnel par derrière».

Un gendarme qui s'est livré comme otage au ravisseur était toujours entre la vie et la mort.

Le président français Emmanuel Macron a déploré «une attaque terroriste islamiste» qui a fait trois morts et «16 blessés», dont «deux au moins» sont dans «un état grave».

Lisbonne a affirmé dans la soirée qu'un citoyen portugais figurait parmi les blessés graves et non les morts, comme annoncé précédemment par les autorités portugaises «en raison d'erreurs de communication».

Ces attaques sont les premières de ce type en France depuis celle du 1er octobre à la gare Saint-Charles de Marseille, qui avait fait deux morts.

L'assaillant s'est dit «prêt à mourir pour la Syrie», demandant notamment lors des attaques «la libération de frères», selon le procureur de Paris François Molins. Parmi les noms de ces «frères», il a selon une source proche du dossier notamment cité celui de Salah Abdeslam, seul membre encore en vie des attentats de l'EI du 13 novembre 2015, et emprisonné à Paris.

«L'homme qui a mené l'attaque de Trèbes dans le sud de la France est un soldat de l'EI, qui a agi en réponse à l'appel» de l'organisation «à viser les pays membres de la coalition» internationale anti-EI, a déclaré le groupe djihadiste dans un communiqué de son agence de propagande Amaq.

La France fait partie de la coalition militaire internationale intervenant en Syrie et en Irak contre l'EI.

«Une proche» de Radouane Lakdim «qui partageait sa vie a été placée en garde à vue», selon M. Molins.

Attaque en trois temps

Radouane Lakdim avait été suivi par les services de renseignements et fiché à partir de 2014 «en raison de ses liens avec la mouvance salafiste», selon M. Molins. Il a ensuite fait un mois de prison en août 2016, après des condamnations pour «port d'arme prohibé», «usage de stupéfiants» et «refus d'obtempérer».

À sa sortie, il n'a pas montré de signes de radicalisation «pouvant laisser présager un passage à l'acte», a précisé M. Molins. Sa surveillance s'est alors arrêtée.

Radouane Lakdim «est passé à l'acte brusquement» vendredi, a précisé M. Collomb.

L'assaillant a agi en trois temps.

Il a d'abord «volé une voiture à Carcassonne, tuant un passager et blessant grièvement le conducteur». Puis, il a tiré sur un policier qu'il a blessé alors que ce dernier rentrait d'un footing avec plusieurs de ses collègues.

Quelques minutes plus tard, vers 11H15, il a pénétré dans un supermarché de Trèbes, où se trouvaient une cinquantaine de personnes, et a tué un employé et un client.

À l'arrivée des gendarmes, un lieutenant-colonel de 45 ans, Arnaud Beltrame, s'est proposé comme otage en échange de la libération des civils.

Mais le gendarme laisse «son téléphone ouvert» sur une table, permettant à ses collèges d'écouter ce qu'il se passe dans le magasin.

Vers 14H20, Radouane Lakdim ouvre le feu sur le gendarme, qu'il blesse à deux reprises. Un groupe d'élite des forces de l'ordre intervient et abat l'assaillant. Deux militaires ont été blessés par balle lors de l'assaut.

Courage

Le président Macron a salué le «professionnalisme» des forces de l'ordre et le «courage» du gendarme qui «s'est porté volontaire pour se substituer aux autres otages». «Il a sauvé des vies», a-t-il ajouté.

«Nous avons depuis plusieurs années payé le prix du sang pour savoir la dangerosité de la menace terroriste», a encore dit le chef de l'Etat, tout en exprimant sa «détermination absolue» à lutter contre le terrorisme.

La France reste traumatisée par une série d'attentats en 2015 et 2016, qui ont fait 241 morts et des centaines de blessés.

Radouane Lakdim, de petit délinquant à «soldat» de l'EI

Radouane Lakdim, 25 ans, qui a tué trois personnes vendredi dans le sud-ouest de la France avant d'être abattu, avait un passé de petit délinquant un temps surveillé en raison de soupçons de radicalisation, avant de passer à l'acte en «soldat» du groupe État islamique.

«C'était un gamin sans histoire, une famille simple sans histoire. Il avait la barbe et était sans emploi», a raconté à l'AFP un de ses voisins, sous couvert d'anonymat.

Ce Français d'origine marocaine vivait avec sa famille dans la cité Ozanam, un quartier populaire situé à quelques centaines de mètres de la cité de Carcassonne et tout proche d'une caserne de policiers.

Né le 11 avril 1992 à Taza au Maroc, Radouane Lakdim a crié «Allah Akbar» et s'est présenté en «soldat» de l'EI en entrant dans le supermarché de Trèbes, près de Carcassonne, où il a pris des personnes en otage. L'organisation djihadiste a revendiqué son action via son agence de propagande Amaq.

Durant la prise d'otages, il a téléphoné à sa mère, laquelle a appelé ses soeurs, qui se sont alors rendues sur les lieux, d'après une source proche de l'enquête.

«Aucun signe précurseur»

Selon le procureur de la République de Paris, François Molins, l'assaillant avait été fiché «S» depuis 2014 (pour «sûreté de l'Etat») en raison de liens «avec la mouvance salafiste».

«En 2016 puis en 2017, il faisait l'objet d'un suivi effectif des services de renseignements, suivi qui n'avait permis de mettre en évidence aucun signe précurseur pouvant laisser présager un passage à l'acte terroriste», a indiqué M. Molins lors d'une conférence de presse à Carcassonne.

Il a fait valoir qu'aucun élément ne pouvait à ce stade laisser penser que le suspect avait eu l'intention de se rendre en Syrie.

«Il était connu pour des faits de petite délinquance et nous l'avions suivi et nous pensions qu'il n'y avait pas de radicalisation», a affirmé le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb, avant d'ajouter que l'assaillant avait agi «seul».

Radouane Lakdim, décédé après l'assaut des forces d'élite dans le magasin Super U, avait jusqu'alors eu affaire à la justice pour des faits de droit commun uniquement.

Il avait été condamné une première fois à Carcassonne le 29 mai 2011 à une peine d'un mois d'emprisonnement avec sursis pour port d'arme prohibé.

Il avait été à nouveau condamné le 6 mars 2015 à un mois de prison pour usage de stupéfiants et refus d'obtempérer. Il avait exécuté cette peine en août 2016 à la maison d'arrêt de Carcassonne, a détaillé le procureur de la République de Paris.

Ce dernier a indiqué qu'une proche de l'assaillant, «qui partageait sa vie», avait été placée en garde à vue vendredi soir pour «association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste criminelle».

AFP

Radouane Lakdim