L'Espagne a beau appeler à l'union sacrée face au terrorisme après les atentats qui ont ensaglanté la Catalogne, la tension reste palpable entre Madrid et les indépendantistes catalans, jusque dans l'enquête.

Le gouvernement régional catalan reste déterminé à tenir un référendum sur la sécession le 1er octobre, Madrid à l'en empêcher. Un affrontement que les Espagnols ont baptisé «collision frontale».

La mésentente est perceptible malgré l'élan de solidarité soulevé en Espagne par les attentats qui ont fait au moins 14 morts et plus de cent blessés de jeudi à vendredi.

Le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy s'était précipité à Barcelone jeudi soir avec son numéro deux, Soraya Saenz de Santamaria. Mais les autorités catalanes tenaient de leur côté une réunion de crise.

Ce n'est que le lendemain, qu'il rencontrait face à face le président catalan, l'indépendantiste Carles Puigdemont, avec lequel il avait eu une bève conversation téléphonique.

M. Rajoy, accusé jusque dans son camp d'avoir alimenté la fièvre indépendantiste par son intransigeance envers les demandes d'autonomie accrue de la Catalogne, qualifie alors la rencontre de «très positive» et insiste plusieurs fois sur la nécessité de «travailler ensemble», appelant à «l'unité dans la lutte contre le terrorisme».

Le roi Felipe VI lui aussi s'est rendu à Barcelone pour observer vendredi une minute de silence, avec Rajoy, Puigdemont et les dirigeants des partis politiques, sur une grande place proche des Ramblas où les victimes avaient été fauchées par une camionnette.

Ce moment de recueillement a été suivi de longs applaudissements, aux cris répétés de «Je n'ai pas peur» en catalan, dans une ambiance de solidarité.

Mais le lendemain, quand, après avoir rendu visite à des blessés dans les hôpitaux, le roi dépose une gerbe sur les Ramblas, les cris de «Vive la Catalogne» fusent, répétés.

Felipe VI encaisse, le visage fermé, comme lorsqu'il se faisait siffler aux matchs du Camp Nou, le stade du FC Barcelone, fief du nationalisme catalan.

Vieilles querelles

Petit à petit, les vieilles querelles refont surface.

Le ministre espagnol de l'Intérieur, Juan Ignacio Zoido, a réveillé les susceptibilités en annonçant samedi que la cellule à l'origine des attentats avait été «démantelée».

Le responsable de l'Intérieur de Catalogne, Joaquim Forn, avait jugé l'annonce prématurée et rappelé que c'était la police catalane, les Mossos d'Esquadra, qui était aux commandes. Pourtant dimanche M. Forn annonçait que la cellule était «neutralisée».

La Catalogne, comme le Pays Basque, possède sa propre police, hiérarchiquement soumise à l'État central mais jalouse de son autonomie.

La presse madrilène, hostile au séparatisme catalan, relève que Joaquim Forn, en faisant le bilan des attentats, parle de victimes «catalanes» et «espagnoles», comme s'il s'agissait de nationalités différentes.

Tous les journaux ont souligné que la Catalogne était une source d'inquiétude pour les experts de la lutte anti-terroriste en raison du nombre élevés de jihadistes présumés arrêtés sur son territoire.

Mais certains sont allés jusqu'à reprendre un reproche que la Catalogne rejette farouchement: la Catalogne se serait exposée au risque terroriste en favorisant délibérément et sans contrôle l'immigration maghrébine contre celle des latino-américains, pour assurer l'emprise de la langue catalane.

En effet les arabophones seraient davantage ouverts à apprendre le catalan pour se faire entendre que les latino-américains qui parlent déjà l'espagnol que comprennent tous les Catalans.

AFP

Le roi Felipe VI quittant la basilique Sagrada Família, dimanche, où a eu lieu une messe en l'honneur des victimes de l'attentat.