Le pape François, qui peine à changer la loi du silence de l'Église face aux prêtres pédophiles, a vu mercredi une ancienne victime irlandaise claquer la porte d'une commission d'experts anti-pédophilie en dénonçant un manque «honteux» de coopération au Vatican.

L'Irlandaise Marie Collins, âgée de 70 ans et victime à 13 ans d'abus sexuels perpétrés par un prêtre aumônier d'un hôpital, était membre de la Commission pontificale pour la protection des mineurs créée par le pape en 2014.

«Malgré l'approbation par le pape François de toutes les recommandations faites par la commission, il y a eu des revers constants», déplore-t-elle mercredi dans un communiqué.

«Le manque de coopération, en particulier de la part du dicastère (ministère du Vatican) le plus impliqué sur la question des abus sexuels, a été honteux», assène-t-elle.

Dans un entretien au journal National catholic reporter, elle pointe un doigt accusateur vers la puissante et conservatrice Congrégation pour la doctrine de la foi, qui ferait barrage à l'idée approuvée par le pape en juin 2015 de créer une instance pour juger les évêques ayant manqué de sévérité.

«C'est ravageur en 2017» de voir que certains hommes de la Curie (gouvernement du Vatican) «peuvent donner la priorité à d'autres considérations que la sécurité d'enfants et d'adultes vulnérables», dit-elle en résumant en termes cinglants l'attitude de l'Église: «de belles paroles en public et des actions contraires derrière des portes fermées».

Elle précise néanmoins avoir accepté de continuer à travailler sur des projets éducatifs au sein de l'Église, y compris ceux destinés à la Curie.

«Un désastre»

Le pape François, qui prône «une tolérance zéro», a notamment recommandé aux évêques ayant protégé des pédophiles de démissionner. Mais les victimes restent très critiques, estimant que l'Eglise a encore beaucoup à faire pour écarter et punir les coupables.

Sa commission d'experts, dont le mandat se termine à la fin de l'année, est limitée à des recherches et propositions sur la prévention, sans intervention sur des cas individuels.

«Je comprends la frustration et l'impatience de Marie Collins, qui se justifient de son point de vue», a commenté à l'AFP un membre de la commission, le prêtre allemand Hans Zollner, jésuite et psychothérapeute.

«Malheureusement, ça ne correspond pas au rythme et à la réalité de l'Église. Nous sommes face à un travail à long terme, nous devons éduquer», a souligné le prêtre, qui voyage dans le monde entier pour combattre la pédophilie. «L'Église bouge, mais pas de la même façon dans toutes les cultures».

«Cela fait 10 mois que nous donnons des formations dans différents dicastères, auprès des nouveaux évêques», a-t-il expliqué.

Présidée par le cardinal américain Sean O'Malley, la commission a déjà vu le départ de deux laïcs, dont une autre ancienne victime, le Britannique Peter Saunders. Avec la démission de Mme Collins, la commission pontificale ne compte donc plus de représentants des victimes.

Joint par l'AFP, M. Saunders n'a toutefois pas exclu de revenir à la commission si on le lui demande, en notant que le départ de Mme Collins était «un désastre».

«La commission a besoin de sang neuf extérieur. Elle est composée de personnes compétentes, mais a besoin d'être renforcée par des membres qui ne sont pas dévoués complètement à l'Église», a-t-il estimé.

«Rien ne changera si François ne se débarrasse pas de certaines personnes!», a lancé en outre le Britannique, parti voici un an pour ses critiques directes sur des prélats accusés d'avoir protégé des prêtres pédophiles.

Ces derniers jours, la presse internationale s'est aussi faite l'écho de gestes de clémence du pape François pour certains prêtres pédophiles, évitant par exemple à un prêtre italien d'être défroqué. Récidiviste, ce dernier vient d'être condamné à la prison par la justice italienne.