La Turquie a averti mardi Washington du risque de «sacrifier» des relations bilatérales en raison du cas du «terroriste» Fethullah Gülen, prédicateur musulman exilé aux États-Unis et à l'origine, selon Ankara, du putsch avorté du 15 juillet.

«Si Gülen n'est pas extradé, les États-Unis sacrifieront les relations à cause de ce terroriste», a déclaré le ministre de la Justice Bekir Bozdag à l'agence de presse progouvernementale Anadolu.

Il a souligné que le sentiment antiaméricain au sein de la population turque avait atteint un pic en raison de ce différend entre les deux alliés de l'OTAN.

«Il appartient à la partie américaine d'empêcher que ce sentiment ne se transforme en haine», a prévenu le ministre.

Le coup d'État raté, qu'Ankara accuse M. Gülen exilé aux États-Unis depuis 1999 d'avoir ourdi, a brutalement envenimé les relations turco-américaines.

Un ministre turc n'avait pas hésité à affirmer que «les États-Unis sont derrière la tentative de coup», tandis qu'un ancien chef d'état-major accusait la CIA d'avoir été à la manoeuvre.

Le président Recep Tayyip Erdogan, qui a accusé Washington de «nourrir» et «protéger» sa bête noire et son ex-allié, a fait comprendre à Washington qu'un refus d'extrader l'ex-imam aurait des conséquences sur les liens bilatéraux.

A Washington, la porte-parole du département d'État Elizabeth Trudeau a dénoncé une «sorte de théorie du complot, une rhétorique incendiaire absolument inutile».

Ankara a envoyé de nombreux éléments aux États-Unis pour le dossier d'extradition, que Washington ne semble pas pressé de traiter, invoquant la nécessité d'avoir des «preuves» juridiques.

Le ministre turc de la Justice a cependant assuré que «les autorités américaines étudient avec sérieux notre demande d'extradition». Mais il a ajouté que «désormais Gülen a perdu son caractère de marionnette, il n'est plus utilisable par les États-Unis, ni par un autre pays».

«Si Gülen n'est pas extradé, cela aura un impact défavorable sur les rapports» entre les deux pays, a-t-il insisté.

Selon Ankara, cet opposant turc retiré en Pennsylvanie est le cerveau du récent coup d'État avorté, qui a fait 273 morts et 2000 blessés. L'ancien imam nie toute implication.

Ankara a lancé une campagne d'arrestations et une purge massive pour déloger les adeptes de Gülen de la fonction publique et de l'armée. «A ce jour, il y a eu environ 16 000 personnes inculpées et incarcérées. Quelque 6000 (autres) suspects sont toujours en garde à vue», a fait remarquer M. Bozdag.

Le Premier ministre Binali Yildirim a pour sa part annoncé au Parlement devant ses députés du Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur) que «10 000 policiers seront embauchés».

«J'appelle nos jeunes qui aiment leur patrie à entrer dans cette profession honorable», a-t-il lancé. Le putsch a été mis en échec par les Turcs qui sont descendus dans les rues et par la force de police. Le ministère de l'Education va de son côté réemployer 15 000 enseignants, dans un secteur où la purge a entraîné une véritable saignée.