Le président Erdogan a lancé son attaque la plus virulente contre l'Occident depuis la tentative de coup d'État ratée en Turquie, accusant les pays occidentaux de soutenir le «terrorisme» et les putschistes qui ont failli le renverser.

«Malheureusement, l'Occident soutient le terrorisme et se range aux côtés des putschistes», a déclaré le président turc dans un discours à Ankara, en réponse aux critiques des États-Unis et de l'Europe sur l'ampleur des purges après le putsch avorté du 15 juillet.

«Ceux que nous imaginions être nos amis prennent le parti des putschistes et des terroristes», a-t-il répété lors d'un forum économique à la présidence.

Ces déclarations interviennent à la veille d'une visite mercredi à Ankara du secrétaire général du Conseil de l'Europe Thorbjørn Jagland, qui doit rencontrer M. Erdogan, le premier ministre Binali Yildirim et les chefs de l'opposition.

Le président turc a affirmé que le scénario du putsch «avait été écrit depuis l'étranger». Ankara accuse le prédicateur Fethullah Gülen, en exil aux États-Unis, d'être le cerveau du coup d'État, ce que ce dernier dément vigoureusement.

M. Erdogan s'en est également pris à l'Union européenne (UE) «qui n'a pas rempli ses promesses» en ce qui concerne le versement de trois milliards d'euros dans le cadre de l'accord sur les migrants et des visas facilités pour les Turcs.

«Rien ne se passe sur le front des visas», a-t-il affirmé.

«Quand on dit cela tout haut, ces messieurs (de l'UE) sont très mal à l'aise. Pardonnez-moi mais ce pays n'est pas un esclave».

Le chef de l'État s'est par ailleurs insurgé contre la décision des autorités allemandes de lui interdire de s'adresser par un lien vidéo à ses partisans rassemblés dimanche dernier à Cologne pour soutenir la démocratie.

«Bravo! les tribunaux en Allemagne travaillent très vite», a-t-il lancé avec ironie.

Il a enfin rejeté les critiques des Européens sur les mesures prises après le coup, soutenant que «l'état d'urgence respecte les procédures européennes».

«Regardez ce qu'a fait la France: trois plus trois plus six, elle a déclaré un an d'état d'urgence», a-t-il rappelé. 

La santé touchée

La purge tous azimuts lancée en Turquie depuis le putsch raté a gagné mardi l'un des derniers secteurs qui semblaient épargnés, la santé, avec des mandats d'arrêt contre 98 membres du personnel d'un grand hôpital militaire d'Ankara, dont des médecins, a annoncé un responsable turc.

La chasse aux sympathisants réels ou présumés du prédicateur Fethullah Gülen est implacable depuis deux semaines et demie. Elle avait jusqu'ici surtout touché massivement l'armée -- dont près de la moitié des généraux a été limogée - de même que la justice, l'éducation et la presse.

Mais mardi, une cinquantaine d'employés du GATA (Gulhane Military Medical Academy) ont été placés en garde à vue, dont des médecins militaires, a annoncé l'agence Anadolu, après un raid de la police.

Le responsable turc, qui s'exprimait sous couvert de l'anonymat, a expliqué qu'ils étaient soupçonnés d'avoir permis l'infiltration de sympathisants de Gülen dans l'armée et leur rapide progression dans la carrière militaire.

«Il y a des éléments forts qui laissent penser que les membres du FETO (terme désignant les réseaux de Gülen) ont infiltré cette institution» hospitalière, a-t-il affirmé.

La purge s'est aussi étendue au sport, la Fédération turque de football (TFF) ayant annoncé avoir licencié 94 de ses membres, dont des arbitres opérant apparemment en première division, selon la presse.

Dans une déclaration à la télévision italienne, M. Erdogan a par ailleurs sommé mardi les juges italiens de «s'occuper de la mafia» plutôt que de son fils aîné Bilal, visé à Bologne par une enquête pour blanchiment d'argent.

«Dans cette ville ils m'appellent dictateur et ils manifestent pour le PKK. (...) C'est ça l'État de droit?» a-t-il déclaré.

«Dans ce pays, les juges suivent la loi et la Constitution italienne, pas le président turc», a répliqué le chef du gouvernement italien, Matteo Renzi, sur Twitter.

Par ailleurs, le ministre du Commerce M. Bulent Tüfenkci a livré dans le quotidien Hurriyet une première estimation du coût économique du putsch : plus de 130 milliards de dollars CAN.

Le ministre a ajouté que «de nombreuses commandes de l'étranger» avaient été annulées et que beaucoup d'étrangers avaient cessé de visiter la Turquie, un pays où les attentats attribués depuis un an aux djihadistes ou à la guérilla kurde ont durement touché le tourisme.