La chancelière allemande Angela Merkel a annoncé samedi un très net durcissement des règles d'expulsion des réfugiés condamnés par la justice, en réponse aux violences contre des femmes dans la nuit du Nouvel An à Cologne, beaucoup plus importantes que prévu avec 379 plaintes de victimes.

Parallèlement, une manifestation de l'extrême droite emmenée par le mouvement Pegida contre les migrants et contre la chancelière a rassemblé 1700 personnes, selon la police, dans cette ville rhénane (ouest) sur les lieux des agressions de la Saint-Sylvestre. Elle s'est achevée par quelques heurts avec la police, avec un bilan de quatre blessés légers.

Très avare jusqu'ici en informations sur ces agressions sans précédent contre des femmes pendant la nuit du Nouvel An, la police locale a fait état de 379 plaintes au total, dont 40 % à caractère sexuel, contre 170 dans le précédent pointage officiel.

La police, dont le chef a été limogé vendredi, a précisé que les suspects étaient « en grande partie » des réfugiés ou des immigrants illégaux originaires de pays d'« Afrique du Nord », sans plus de détails.

« Cologne a tout changé »

Ces éléments sont de nature à accroître un peu plus la pression de l'opinion sur la chancelière allemande pour qu'elle change le cours de sa politique d'ouverture aux réfugiés.

Pour Mme Merkel, qui s'exprimait à l'occasion d'une réunion de son parti (CDU, conservateurs) samedi à Mayence (sud-ouest), « si les réfugiés ont commis un délit », cela doit « avoir des conséquences, [...] cela veut dire que le droit (de séjour) doit s'arrêter » et ce « s'il y a une peine de réclusion, même avec sursis ».

Cette évolution, entérinée par la direction de la CDU, doit encore être discutée avec le partenaire social-démocrate au sein de la coalition gouvernementale à Berlin, mais le SPD multiplie aussi les messages de fermeté.

« Il est important que là où la loi n'est pas suffisante, elle soit modifiée », a affirmé Angela Merkel, y voyant là aussi « l'intérêt de la grande majorité des réfugiés ».

Pour l'heure, en vertu de la loi allemande, l'expulsion d'un demandeur d'asile n'a lieu qu'après une condamnation à au moins trois ans de prison, et à la condition que sa vie ou sa santé ne soient pas menacées dans son pays d'origine.

Le ministre de l'Intérieur Thomas de Maizière a promis de légiférer « rapidement ». « Il faut tout faire pour que les événements de Cologne ne puissent pas se reproduire et cela implique de la prévention, davantage de vidéosurveillance sur les places publiques, de la présence policière dans la rue, une justice rapide et de lourdes peines », a-t-il dit au quotidien FAZ à paraître dimanche.

« Cologne a tout changé, les gens doutent », a lancé à Mayence Volker Bouffier, vice-président de la CDU.

L'extrême droite cherche à capitaliser 

L'Allemagne a vu affluer un nombre record de 1,1 million de demandeurs d'asile en 2015 et les violences du Nouvel An créent le risque pour la chancelière de faire irrémédiablement basculer l'opinion publique dont une part importante était jusqu'ici plutôt ouverte.

Le mouvement islamophobe Pegida a cherché à récupérer ce mécontentement en organisant une manifestation à Cologne aux côtés d'autres groupes d'extrême droite locaux. Un rassemblement de sa branche flamande à Anvers, en Belgique, a réuni 300 personnes.

En France, la présidente du Front National (extrême droite) Marine Le Pen écrivait sur son compte Twitter : « L'effroi suite aux agressions de Cologne : la dignité et la liberté de la Femme, un acquis précieux que nous avons le devoir de protéger ».

À Cologne, environ 1700 personnes ont défilé sous des pancartes « Merkel dehors ! » et le cortège a été dispersé à coups de canons à eau et de gaz lacrymogène par les forces de l'ordre, cibles de jets de bouteilles et de pétards en fin de parcours. Selon la police, un journaliste et trois policiers ont été légèrement blessés.

« Merkel est devenue un danger pour notre pays, Merkel doit partir », s'est exclamé au mégaphone un représentant de Pegida.

En face, un millier de contre-manifestants se sont aussi rassemblés dans le centre de Cologne. « Il est inacceptable que Pegida exploite l'horrible violence sexuelle survenue ici le Jour de l'An et répande ses conneries racistes », commentait Emily Michels, 28 ans.