Alors que le Parlement grec a voté la nuit dernière pour une proposition d'aide économique de l'Union européenne, sur fond d'importantes manifestations au centre d'Athènes, voici 10 mythes et réalités entourant la crise qui secoue la Grèce.

Les Grecs ne veulent pas travailler!

C'est une idée accrocheuse. Or, elle est fausse. Selon les données de l'OCDE, les Grecs travaillent 42 heures par semaine en moyenne, contre 37,5 heures pour les Français et 35,3 pour les Allemands. Cela est en partie attribuable à l'important secteur agricole grec, où les gens travaillent de longues heures. Ces données n'évaluent pas la productivité ou la richesse économique créée.

Les Grecs ne veulent pas payer d'impôt!

Ça, c'est vrai. Malgré une promesse d'Athènes de faire la vie dure à l'économie informelle, celle-ci correspond encore aujourd'hui à 25% de la taille de l'économie officielle. C'est deux fois et demie plus élevé que la taille de l'économie informelle aux États-Unis. Même des médecins et des avocats font des consultations au noir. Au total, le marché noir priverait Athènes de 10 milliards d'euros en revenus par année, soit l'équivalent de 10% des dépenses annuelles totales du gouvernement.

Imposer une austérité encore plus sévère résoudra les problèmes de la Grèce.

C'est ce que croit le gouvernement allemand, une position de plus en plus difficile à défendre. Réduire massivement les dépenses publiques et les pensions - donc l'argent en circulation dans l'économie - est déjà la norme et promet d'empêcher toute reprise, ont dénoncé cette semaine cinq des économistes les plus en vue du monde, dont Jeffrey Sachs et Thomas Piketty. «Ce traitement prescrit à la Grèce a saigné le patient sans soigner la maladie», disent-ils.

Les gens ne veulent pas payer de taxes et d'impôt... mais ils veulent toucher une pension!

Exactement. Ça explique en partie les finances atroces du gouvernement. On compte plus de 2,6 millions de personnes retraitées en Grèce, sur une population totale de 11 millions. La pension mensuelle moyenne est de 960 euros (1360 dollars canadiens), alors qu'elle était de 1200 euros il y a cinq ans, a rapporté Le Monde cette semaine. Avec un chômage généralisé, les pensionnés font souvent vivre leurs enfants et leurs petits-enfants avec leur rente. Le pays est complètement à terre: 50% des jeunes adultes sont au chômage, et 40% des enfants vivent sous le seuil de la pauvreté.

La Grèce s'est endettée. Elle est responsable de son sort!

Oui, la Grèce s'est endettée durant les années 2000, en acceptant des prêts des banques européennes pour acheter toutes sortes d'infrastructures vendues par des firmes allemandes et françaises, notamment. Cet endettement a essentiellement stoppé en 2009, mais est devenu critique depuis que l'économie grecque s'est effondrée dans la crise économique mondiale.

Tout le monde doit payer ses dettes! Pourquoi la Grèce ferait-elle exception?

Tout le monde doit payer ses dettes, mais les pays insolvables font régulièrement défaut sur une partie de leurs dettes, et les investisseurs dans les obligations des différents pays sont payés en intérêts en fonction des risques qu'ils prennent. Hier, le Fonds monétaire international (FMI), qui affectionne d'ordinaire les politiques néolibérales, a provoqué une onde de choc en appelant l'Europe à «réduire la dette de la Grèce d'une manière qui va bien au-delà de ce qui a été envisagé jusqu'ici». Quant à l'argument moral, il est difficile de dire qui pourrait faire la leçon à la Grèce: la Russie a fait défaut à sa dette cinq fois durant le XXe siècle, le Royaume-Uni une fois, l'Allemagne trois fois, des événements principalement liés aux deux guerres mondiales.

L'économie de la Grèce est minuscule.

Vrai! Le PIB de la Grèce est d'environ 280 milliards de dollars américains, soit l'équivalent de l'économie de la région métropolitaine de Miami... Pour se sortir de l'impasse, la Grèce aurait pu baisser son taux directeur, histoire de dévaluer sa devise et de stimuler les exportations. Comme le pays utilise l'euro, et ne contrôle donc pas cet aspect vital de son économie, ce remède lui échappe. Ce qui fait dire à l'économiste Paul Krugman que «la création de l'euro était une terrible erreur».

Le gouvernement grec refuse tout compromis!

Athènes est en position de faiblesse, et l'Allemagne semble déterminée à le lui faire comprendre. Si bien que plusieurs observateurs jugent que les offres proposées à la Grèce étaient si mauvaises qu'elles étaient destinées à être rejetées. N'oubliez pas: depuis 2009, la Grèce a réduit les dépenses (le gouvernement a licencié un employé sur quatre), augmenté les taxes et diminué de façon draconienne les pensions. Sur papier, le gouvernement ne devrait pas être déficitaire. Or, ces mêmes mesures ont accéléré l'effondrement économique, et les revenus du gouvernement ont fondu.

Le peuple grec vient de dire non à l'offre européenne. Il doit être contre cette dernière entente.

C'est compliqué. Les Grecs ont rejeté par référendum les mesures d'austérité demandées par Bruxelles le 5 juillet. Mais les derniers sondages montrent qu'ils approuvent l'entente signée par le premier ministre Alexis Tsipras, qui pourrait faire en sorte que le pays demeure au sein de la zone euro. Le fatalisme l'emporte. «Dans 10 ans, nous en serons toujours au même point», a confié un citoyen au Monde.

Avec tout ça, tout le monde doit éviter d'aller passer ses vacances en Grèce!

Erreur! Les plages sont remplies et l'Acropole est aussi visitée qu'avant. Le bureau de tourisme grec rapporte 810 000 arrivées internationales pour le premier trimestre de 2015, une hausse de 30% par rapport à la même période l'an dernier. On peut même louer un petit appartement sur Airbnb dans le coeur d'Athènes pour moins de 450$ CAN par semaine. À qui la chance?