À Dublin, à Cork ou à Galway, impossible de faire deux pas sans apercevoir une pancarte du Oui à la diversité, qui joue du coude avec une affiche du Non au secours du modèle familial traditionnel, avec la photo d'un papa, d'une maman et d'un rejeton.

Demain, 22 mai, la patrie d'Oscar Wilde pourrait marquer l'histoire en devenant le premier pays à autoriser par référendum le mariage gai.

Si le camp du Oui l'emporte, l'Irlande catholique et conservatrice deviendra le 18e État au monde à modifier sa Constitution pour allouer aux couples de même sexe le droit à l'union matrimoniale.

Sondage favorable

Dans un parc de Galway, ville côtière de l'ouest du pays, Aine Nighallchoir et Mairéad Ni Ghallachoir, toutes deux mères de famille dans la cinquantaine, expliquent leur intention de voter Oui, le 22 mai.

«Pour moi, c'est une question de justice, d'égalité, de réalité, de normalité», exprime Mairéad Ni Ghallachoir, qui évalue que la plupart de ses concitoyens sont moins fermés sur la question du mariage entre personnes de même sexe que ne le suppose la rumeur. «La plupart des gens que je connais vont voter Oui, dit-elle. Les sondages parus ces dernières semaines évaluent à 70% la proportion des Irlandais qui voteront pour le Oui.»

La campagne en faveur du mariage pour tous est soutenue par des porte-parole aux horizons tous azimuts, dont le ministre de la Santé Leo Varadkar, qui a profité de cette vaste discussion populaire qui domine l'espace public irlandais pour afficher son homosexualité.

Breda O'Brien, porte-parole du camp du Non, a quant à elle décliné l'invitation de Panti Bliss, célèbre transsexuelle et militante anti-homophobie, qui l'a invitée en avril à débattre à la télévision publique.

Le camp du Oui a aussi misé sur le sens de la filiation irlandais, incitant les jeunes à inviter leurs parents à voter. Les nombreux Irlandais expatriés n'ont pas le droit de voter à distance, lors du scrutin de demain. Le soutien à la cause du Oui se manifeste néanmoins à l'extérieur des frontières de l'Irlande, notamment chez les jeunes qui, naturellement, sont plus ouverts sur la question.

Emer O'Toole, professeure d'arts de la performance au département d'études irlandaises de l'Université Concordia, explique que l'Irlande conservatrice et catholique qu'elle a quittée pour s'établir à Montréal pourrait devenir un endroit un peu plus tolérant, à compter de demain.

Avec l'affaiblissement de la domination de l'Église catholique sur les institutions publiques (après la révélation de scandales sexuels) et la reconnaissance de l'union civile en 2010, l'Irlande se libéralise lentement mais sûrement. «Il y aura plus de mariages et plus de gâteaux!», prédit la jeune intellectuelle qui, en mars dernier, a publié un essai sur l'égalité des genres (Girls Will Be Girls - Dressing Up, Playing Parts and Daring to Act Differently) et s'intéresse de près à l'évolution des moeurs dans son pays d'origine, où la religion catholique se mêle encore de tout ce qui a trait à la sexualité. «Ce n'est que depuis que je vis à l'étranger que je prends conscience du conservatisme de l'Irlande», indique Emer O'Toole.

Tendances conservatrices

Celle-ci rappelle que son pays a été l'une des dernières démocraties occidentales à décriminaliser l'homosexualité, que l'accès à l'avortement y est encore très restreint et que le divorce n'y est légal que depuis le second référendum sur la question, en 1995. «Plusieurs de mes amis qui vivent à Londres vont prendre le traversier pour exercer leur droit de vote. Et j'en connais aussi quelques-uns qui ont acheté un billet d'avion pour rentrer à la maison à temps pour le vote de vendredi.»