Les conservateurs impuissants à prendre le dessus sur les travaillistes à deux semaines des législatives ont sorti mercredi leur joker, qui est aussi une arme à double tranchant : Boris Johnson s'est lancé au secours de David Cameron, dont il convoite la succession.

Certains des aspects de la plateforme de l'opposition travailliste sont «totalement débiles» a lâché en début de matinée le truculent maire de Londres jusqu'ici relativement discret pour autant qu'il puisse l'être.

Peu après, Boris Johnson s'affichait avec sa tignasse blonde ébouriffée au côté du premier ministre, dans une école à Surbiton, dans le sud-ouest de la capitale, pour proclamer que la victoire était à portée de main le 7 mai.

«BoJo», 50 ans, avait précédé son entrée en scène d'une des formules d'apparence modeste dont il a secret. «Je suis un humble serviteur de l'organisation du parti : si on m'en donne l'ordre, je me mets en marche», a-t-il glissé dans une interview au Financial Times.

Ou encore «David Cameron est notre meilleur actif, et il va gagner», alors que conservateurs et travaillistes sont au coude à coude, comme gelés à 34 % dans la compilation des sondages réalisée par la BBC.

Depuis le début de la semaine, Boris Johnson a livré d'autres déclarations à l'emporte-pièce. Il a ainsi qualifié les nationalistes écossais, prêts à aider les travaillistes à former un gouvernement minoritaire, de «gauchistes dopés aux stéroïdes» et «d'anti-Britanniques» avec leurs prétentions à l'indépendance.

Un excentrique ambitieux

Bien des analystes le voient déjà ministrable, avant que d'être premier-ministrable. L'intéressé a alimenté les rumeurs en début de semaine en se faisant complaisamment photographier dans un bunker souterrain de la RAF. Assis dans le fauteuil occupé en 1940 par son modèle en politique, le premier ministre Winston Churchil.

«Ça va bien comme ça, on arrête d'avancer sur la pointe des pieds», a-t-il lancé devant les journalistes d'autant plus ravis que la campagne électorale est terne.

Les dénégations de Boris Johnson sur ses ambitions supposées sont d'autant moins crédibles que David Cameron - censé s'en défier - l'a lui-même cité au nombre des trois dirigeants conservateurs susceptibles de lui succéder, quand il a annoncé n'avoir pas l'intention de briguer un troisième mandat. Le chef du gouvernement a nommé dans l'ordre Theresa May (ministre de l'Intérieur), George Osborne (ministre de l'Économie) et Boris Johnson.

L'institut de sondages Yougov a le même tiercé, mais dans le désordre, Boris apparaissant le plus populaire.

Dans le passé, il s'est récrié : «J'ai autant de chances d'être premier ministre que de me réincarner en olive» ou, variante, «que d'être décapité par un frisbee».

Dans les faits, Alexander Boris de Pfeffel Johnson, de son vrai nom, qui compte un arrière grand-père ministre de l'Intérieur de l'Empire ottoman et un lointain cousin par alliance dénommé George II, historien, est pétri d'ambitions assurent les analystes.

Ancien journaliste, féru de grec ancien, il se présente comme «un condensé d'Anglais, Français, Turc, musulman, juif et Allemand», excentrique, original, mais formé au moule d'Eton, l'école de l'élite et d'Oxford.

À toutes fins utiles, Boris est candidat dans la circonscription d'Uxbridge et South Ruislip, dans le Grand Londres, avec toutes les chances de devenir député, une condition sine qua non pour briguer la tête du parti.

Pour faire bonne mesure, il a annoncé en fin d'année dernière son intention de renoncer à sa double nationalité anglo-américaine.

Et surtout il a évité ces derniers mois d'amuser la galerie, se concentrant sur son point fort, selon sa biographe Sonia Purnell : il serait «un maniaque de l'autopromotion».