La police serbe a arrêté mercredi huit hommes accusés d'être impliqués dans le massacre de 8000 musulmans bosniens commis par les forces serbes de Bosnie en 1995, à Srebrenica, dans l'est de cette ex-république yougoslave, a annoncé le procureur chargé du dossier.

«Il s'agit du premier cas pour notre bureau d'une telle ampleur lié au massacre de Srebrenica», a dit à l'AFP le porte-parole du parquet serbe responsable de crimes de guerre, Bruno Vekaric.

L'annonce de l'arrestation de sept suspects est intervenue dans la matinée tandis qu'une huitième personne a été arrêtée dans la journée, selon M. Vekaric.

Les huit sont des ex-policiers appartenant à une unité spéciale de la police serbe bosnienne, a précisé le procureur chargé des crimes de guerre dans un communiqué.

Parmi eux se trouve le commandant de cette unité, Nedeljko Milidragovic, a-t-on appris de source proche du dossier. Surnommé «Nedjo le boucher», il s'était, selon la presse locale, reconverti en homme d'affaires en Serbie.

Les huit sont accusés «d'avoir commis des crimes de guerre contre la population civile», notamment d'être impliqués dans le meurtre de 1.000 musulmans, à Kravica, dans la région de Srebrenica, en juillet 1995.

De son côté, le parquet bosnien s'est félicité de ces arrestations et affirmé qu'elles illustraient la bonne coopération entre la justice serbe et bosnienne.

En revanche, 20 ans après le massacre, Hatidza Mehmedovic, présidente d'une association des mères de Srebrenica, a accueilli «résignée» ces arrestations.

«C'est beaucoup trop tard. Et par ailleurs, ces hommes ne se sont pas cachés en Serbie, ils y ont vécu en toute liberté pendant vingt ans. Vingt ans de liberté après avoir commis de tels crimes, je pense que c'est plutôt une récompense», a dit à l'AFP cette femme dont une trentaine de membres de famille proche, dont deux fils, le mari et deux frères ont été tués dans le massacre de Srebrenica.

Exécutions sommaires

Plus de 1000 hommes et adolescents musulmans ont été exécutés sommairement dans un entrepôt agricole à Kravica après la prise de l'enclave de Srebrenica par les forces serbes de Bosnie. Les hommes qui avaient été incarcérés dans cet entrepôt faisaient partie de groupes de musulmans qui avaient tenté de fuir l'enclave au moment où les forces serbes de Bosnie en prenaient le contrôle.

Après avoir été rassemblés «par centaines» sur une plaine, ces prisonniers ont été enfermés dans l'entrepôt et exécutés sommairement ensuite par des membres des forces policières et militaires serbes de Bosnie, selon plusieurs verdicts prononcés en Bosnie pour ces crimes.

Près de 8000 hommes et garçons musulmans avaient été tués par les forces serbes bosniennes dans l'enclave de Srebrenica en juillet 1995, à quelques mois de la fin de la guerre de Bosnie (1992-1995). Il s'agit de la pire tuerie en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale, un massacre qualifié de génocide par la justice internationale.

Les ex-chefs politique et militaire des Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic, 69 ans et Ratko Mladic, 72 ans, sont actuellement jugés notamment pour génocide pour leur rôle dans le massacre de Srebrenica, par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) à La Haye.

Le TPIY a inculpé 20 accusés en tout pour le massacre de Srebrenica et plusieurs anciens officiers serbes bosniens ont été condamnés à de lourdes peines de prison.

Fin janvier, le TPIY a confirmé en appel les condamnations à perpétuité pour le génocide de Srebrenica de deux anciens responsables militaires serbes de Bosnie, l'ancien lieutenant-colonel Vujadin Popovic, 57 ans, et l'ancien colonel Ljubisa Beara, 75 ans.

Plusieurs procès pour génocide contre des anciens militaires et policiers se sont déroulés devant la justice bosnienne.

D'une manière générale, la Serbie ainsi que les Serbes de Bosnie refusent d'admettre qu'un génocide ait été perpétré à Srebrenica.