À un mois de la consultation populaire sur l'indépendance de la Catalogne, les doutes s'accumulent sur la capacité de cette région de l'organiser de façon crédible face à un gouvernement espagnol décidé à l'empêcher.

Le gouvernement catalan veut demander aux 7,5 millions d'habitants de cette riche région du nord-est de l'Espagne s'ils veulent en faire un État indépendant. Madrid soutient que la Constitution ne permet pas aux régions d'Espagne de se prononcer seules sur leur avenir.

Saisi par le gouvernement conservateur au pouvoir, le Tribunal constitutionnel a ordonné la suspension provisoire de la loi et du décret adoptés par la Catalogne pour tenir ce référendum non contraignant le 9 novembre, en attendant une décision sur le fond.

Le président catalan Artur Mas avait promis de respecter la légalité, mais l'opposition de Madrid et le jusqu'au-boutisme de ses alliés de la gauche indépendantiste, déterminés à organiser cette consultation, l'ont poussé dans une zone grise, en marge du processus électoral normal.

Il fait fabriquer 10 800 urnes de carton, faute de pouvoir utiliser les urnes officielles en verre. Les listes électorales étant établies par l'État, la région a dressé ses propres listes sur la base des inscriptions des habitants dans les municipalités. Elle les a laissées ouvertes au-delà de la date prévue mardi, pour permettre aux étrangers résidant en Catalogne de continuer à s'inscrire.

«Beaucoup des délais prévus pour organiser la consultation sont écoulés et il reste beaucoup à faire. Cela conduit à penser qu'elle ne sera pas possible», estime le professeur de sciences politiques Joan Botella.

Les bureaux de vote habituels ne lui étant pas accessibles, le gouvernement catalan a demandé aux mairies d'en désigner de nouveaux. Certaines s'y refusent, comme celle de Badalone, troisième ville de Catalogne et farouchement anti-indépendantiste, d'autres tardent à répondre.

«Il a des délais qu'il faudra ajuster», a reconnu mardi le porte-parole du gouvernement catalan Francesc Homs, avant d'ajouter : «Nous ne nous cachons pas les obstacles, mais nous allons les lever les uns après les autres».

Déjà la création d'une commission électorale chargée de superviser le référendum, en dépit de l'interdiction du Tribunal constitutionnel, a connu un premier accroc.

Un de ses sept membres à démissionner dimanche en estimant que le vote ne serait pas démocratique. Ce professeur de sciences politiques, Joaquim Brugué, a enfoncé le clou mercredi : «Les choses se déroulent de telle façon que si un observateur international venait sur place, il croirait que la Catalogne est la Guinée», a-t-il déclaré au journal El Pais.

Le rôle des fonctionnaires n'a pas encore été clarifié. La région estime devoir mobiliser 4834 membres du service public, 9200 policiers et 24 390 membres des bureaux de vote. Tous courent le risque d'enfreindre la loi en participant à un scrutin interdit.

La Generalitat, le gouvernement catalan, répète qu'on «ne les poussera pas dans les cordes», mais sans eux le référendum est impossible.

«Quand on pense qu'à ce jour des questions aussi fondamentales que savoir qui a le droit de voter, la campagne électorale ou l'emplacement des bureaux de vote n'ont pas été réglées, on peut craindre que la consultation n'offre pas toutes les garanties», a estimé Joan Font, directeur de l'Institut d'études sociales avancées.

Pour Joan Botella, le scrutin risque de ne pas être neutre parce qu'il est probable que seuls les partisans de l'indépendance accepteront de participer à son organisation et que, jusqu'à présent, seuls les sécessionnistes participent à une campagne électorale très courte que les unionistes considèrent comme illégale.

«Au bout du compte, seuls les militants d'une cause iront voter ou superviser le vote. Donc le processus n'est pas crédible», poursuit-il.

«Ce référendum doit être bien fait sinon la communauté internationale n'y fera pas attention. Et c'est le plus grand risque que courent les promoteurs de cette initiative, le ridicule».