Alors que des parents québécois réclament la semaine de quatre jours, les élèves du primaire, en France, viennent de la perdre. Une réforme scolaire hautement controversée, explique notre correspondante à Paris.

Depuis 2008, les enfants du pays de Charlemagne avaient seulement quatre jours de classe par semaine et congé le mercredi. Appliquée obligatoirement cette année, une réforme très contestée ajoute une demi-journée de classe, le mercredi ou le samedi matin.

Le but: mieux étaler les 24 heures de classe des enfants et remplacer 3 heures de cours par une période d'activités dites périscolaires.

«C'est une réforme rédigée dans un bureau parisien qui ne tient pas compte de la réalité en banlieue!» s'exclame au bout du fil Nicolas Dupont-Aignan, le maire d'Yerres (Essonne), qui fait partie de la vingtaine de maires qui s'opposent à la réforme (sur 24 000 au pays).

À la rentrée des classes, mardi dernier, le médiatique et bouillant maire a organisé une manifestation et même cadenassé les écoles de sa ville, située au sud-est de Paris.

«Ce gouvernement accumule toutes les bêtises. Cette réforme est inapplicable, a fait valoir le maire, aussi président du mouvement politique Debout La République. Non seulement on nous demande de trouver des animateurs compétents qui vont juste venir trois heures, mais l'État transfère les charges vers les communes!»

Le décret concernant la réforme des rythmes scolaires date du 24 janvier 2013. «Cette réforme a été faite sur la base d'études de chronobiologie selon lesquelles les rythmes devaient être modifiés, explique Me Valérie Piau, avocate en droit de l'éducation. Il fallait étaler l'école sur plus de journées pour que les journées (de six heures) soient moins longues et que les enfants aient moins de coupures.

«Comme avocate, ce qui me gêne dans le débat médiatique des maires qui disent qu'ils n'appliqueront pas la loi, c'est qu'ils ont des outils juridiques pour contester une loi. Ils peuvent saisir le Conseil d'État ou demander une suspension. Là, ils s'érigent en juges sans utiliser les organes en place. La réforme date de janvier 2013, donc les maires ont eu le temps de s'organiser.»

«Pas d'exception»

Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'Éducation nationale depuis le récent remaniement ministériel, n'en démord pas: «La loi s'appliquera partout et il n'y aura pas d'exception. Il relèvera des élus locaux que les choses se passent bien», a-t-elle répété sur toutes les tribunes.

À Paris, la plupart des écoles ont mis en place la réforme l'an dernier. Jeudi soir, à la sortie des classes de l'école primaire Parmentier, dans le 11e arrondissement, les parents interrogés par La Presse divergeaient d'opinion sur les bienfaits pédagogiques de la réforme, qui les oblige parfois à modifier leur horaire de travail. Mais tous regrettent que les parents moins fortunés de certaines écoles doivent payer pour les activités.

Avant la réforme, beaucoup de parents avaient l'habitude de prendre congé ou de travailler chez eux le mercredi pour rester à la maison avec leur enfant. D'autres les laissaient à la garderie, en centre de loisirs ou chez leurs grands-parents.

«Oui, cela a changé mon horaire, a dit à La Presse Christine Duriez. Je n'étais pas pour la réforme au départ, mais mon garçon aime les activités (chorale, échecs, défis sportifs), et l'application se passe très bien dans cette école.

«À Paris, c'est plus simple que dans les petites villes. Là, les parents habitent plus loin des écoles et c'est plus difficile de trouver des intervenants. Dans l'absolu, c'est une bonne réforme, mais c'est compliqué à installer.»

Pour sa part, Olivia Guilbault ne croit pas au bien-fondé de la réforme. Elle constate même qu'elle a sur son enfant de 5 ans le contraire de l'effet recherché. «Mon garçon est plus fatigué», dit-elle.

La réforme en bref

> Au lieu d'être condensées en quatre jours, comme c'était le cas depuis 2008, les 24 heures hebdomadaires de classe s'étalent sur neuf demi-journées.

> La réforme remplace aussi trois heures de classe par trois heures d'activités périscolaires.