L'Italie a pu pousser dimanche un grand soupir collectif de soulagement avec l'arrivée sans encombre à Gênes de l'épave du paquebot Concordia, dont le naufrage deux ans et demi plus tôt avait coûté la vie à 32 personnes et plongé ce pays dans le malaise.

La carcasse du navire, deux fois plus volumineuse que celle du Titanic, redressée et renflouée à grands frais ces derniers mois, a lentement pénétré en fin de matinée dans l'enceinte du terminal Europe de Voltri, en banlieue de Gênes (nord-ouest), tirée par plusieurs remorqueurs, avant de s'immobiliser devant un quai. Elle s'est vue signifier la bienvenue par la sirène d'un porte-conteneurs amarré en face.

Au soulagement général, le Concordia a accompli sans accroc son dernier voyage, tiré pendant quatre jours par deux puissants remorqueurs de haute mer sur un parcours de quelque 280 km le long des côtes italiennes.

Le président du conseil Matteo Renzi est arrivé peu après pour inspecter l'épave et remercier les équipes chargées de l'opération. «Je suis venu dire ma gratitude pour qui a fait quelque chose que tout le monde qualifiait d'impossible», a-t-il lancé.

«Aujourd'hui ne peut certainement pas être qualifié de jour heureux. Je ne crois pas que quiconque puisse faire la fête ou se réjouir car nous tournons la page sur un événement qui a provoqué la mort de 33 personnes» (32 au moment du naufrage et un plongeur espagnol plus tard), a-t-il dit.

«L'effort entamé il y a deux ans a atteint son juste objectif», a pour sa part sobrement commenté le chef de la Protection civile italienne, Franco Gabrielli, qui a supervisé toute l'opération de sauvetage, considérée comme un défi technique sans précédent.

La France craignait que l'épave ne pollue les côtes corses au moment de son passage à proximité, en dépit des précautions prises pour récupérer d'éventuels débris flottants et contrôler la qualité des eaux.

«Les Français peuvent nous faire confiance» 

«Les Français peuvent nous faire confiance», a souligné M. Renzi en réponse aux préoccupations exprimées par la ministre de l'Environnement Ségolène Royal, avant de se réjouir de la victoire probable de l'Italien Vincenzo Nibali au Tour de France ce même dimanche.

Arrivé dans la nuit devant le port de Gênes, sur la côte ligure, le bateau avait commencé vers 3 h GMT (samedi, 23 h au Québec) les opérations préliminaires à son entrée et à son amarrage dans l'enceinte du port.

Le Concordia avait quitté mercredi l'île toscane du Giglio, où il se trouvait depuis l'accident, survenu dans la nuit du 13 janvier 2012, quand 4200 personnes se trouvaient à son bord.

Menée par l'armateur Costa et effectuée par le consortium américano-italien Titan-Micoperi, la gigantesque opération de sauvetage a vu successivement le redressement du paquebot, son renflouement, sa stabilisation, puis son remorquage jusqu'à Gênes, le tout pour une facture de quelque 1,5 milliard d'euros.

L'image de l'énorme navire, resté des mois échoué sur les rochers à quelques dizaines de mètres de la côte, penché à tribord et à moitié immergé, avait fait le tour du monde. Le naufrage avait embarrassé l'Italie en raison du comportement jugé peu glorieux de son commandant, Francesco Schettino. Le marin est actuellement jugé pour homicides par imprudence, naufrage et abandon de navire.

Ressusciter la filière démolition 

Une nouvelle vie attend à présent le Concordia, monstre de 114 500 tonnes, dont une grande partie de l'acier est considérée comme réutilisable et devrait être cédée à des groupes sidérurgiques pour être refondue pour donner naissance à de nouveaux matériaux. D'autres pièces, jugées «significatives», pourraient faire leur entrée au musée de la Mer de Gênes.

Pour cette ville, patrie de Christophe Colomb, ancienne hyperpuissance maritime, et qui a été préférée au port toscan de Piombino, l'arrivée du bateau est une aubaine. Elle devrait fournir du travail à quelque 700 personnes pendant un an et demi, a estimé le président de la région de Ligurie, Claudio Burlando.

Selon lui, cet événement peut aussi constituer un point de départ pour la relance d'une «filière» démolition, abandonnée il y a des dizaines d'années au profit des pays asiatiques comme le Bangladesh qui opèrent dans des conditions sociales et environnementales «très discutables», selon lui.

M. Renzi est allé dans le même sens, prenant le contre-pied des nouvelles incertitudes entourant l'économie italienne : «Nous ne nous résignons pas à la rhétorique du déclin. Nous pensons que nos villes sont à même d'attirer des investissements industriels et de suivre des politiques industrielles dignes de ce nom. Le port de Gênes va dans cette direction», a-t-il dit.