Une commission spéciale du Sénat a commencé lundi à se pencher sur le sort de Silvio Berlusconi, avant un vote qui a de fortes chances d'aboutir à son exclusion du Parlement après sa condamnation pour fraude fiscale.

La probabilité que M. Berlusconi soit prochainement expulsé du Sénat, en vertu de la loi Severino adoptée en 2012, après sa condamnation définitive le 1er août à une peine de prison (quatre ans, dont trois amnistiés), a continué d'agiter les eaux politiques italiennes.

M. Berlusconi conteste l'application de cette nouvelle législation, pourtant votée à l'époque massivement par son parti de centre droit le PDL, et a menacé au cas où sa déchéance et son inéligibilité seraient prononcées de faire tomber le gouvernement d'Enrico Letta.

La commission pour les élections et l'immunité poursuivait ses travaux, entamés vers 13 h GMT (9 h à Montréal), en fin d'après-midi, avec un débat très animé entre les 23 membres après un exposé-fleuve du représentant du PDL. 

Principal argument de ce dernier : la loi Severino vient s'appliquer «rétroactivement» aux faits reprochés au Cavaliere, en violation de ses droits. Le camp Berlusconi a déposé en parallèle un recours en ce sens à la Cour européenne des Droits de l'homme de Strasbourg et voudrait solliciter la Cour européenne de Justice à Luxembourg.

Le rapporteur a demandé à la Commission d'attendre leurs décisions avant de voter.

«Il faut juger sur la base du droit et pas sur la base d'un préjugé politique» d'hostilité à Berlusconi, a expliqué à l'AFP-TV Lucio Malan, un sénateur du PDL, membre de la Commission.

Les partis de gauche, majoritaires au sein de la Commission, arguant du fait que «la loi est la même pour tous», ont pour leur part annoncé qu'ils voteraient pour la déchéance de Berlusconi de son poste et son inéligibilité.

«La loi Severino est claire et elle est appliquée déjà depuis plusieurs mois. Si Berlusconi était conseiller régional ou maire d'une ville, il aurait déjà été expulsé», a souligné Stefania Pezzopane, sénatrice du Parti démocrate (centre gauche) et membre de la commission.

Pour Nichi Vendola, du petit parti de gauche, M. Berlusconi - qui a fait l'objet depuis son entrée en politique en 1994 de multiples poursuites pour faux en bilan ou corruption - représente «une exception dans le panorama des démocraties occidentales».

Des tractations en coulisses

Mais, selon les médias italiens, des tractations se poursuivraient en coulisses pour éviter à l'ex-chef du gouvernement, qui aura bientôt 77 ans, l'humiliation d'un vote au Parlement qu'il a qualifié de «peloton d'exécution».

Silvio Berlusconi se dit victime d'une persécution de magistrats de gauche pour «l'éliminer politiquement».

Un premier vote pourrait avoir lieu dès mardi, mais pour entrer en vigueur, un autre scrutin est nécessaire en assemblée plénière du Sénat.

«Si après avoir été jugé et condamné, Berlusconi s'en sort encore une fois, cela voudra dire qu'il est le plus fort de tous», a estimé Antonio Padellaro, directeur du journal de gauche Il Fatto Quotidiano.

Pour lui, malgré l'alternance de déclarations belliqueuses puis soudainement rassurantes venant de M. Berlusconi, l'impression est «qu'il n'y aura pas de crise du gouvernement».

Les marchés ont semblé se ranger à son avis puisque la bourse de Milan a terminé en hausse de 1,16 %.

Même opinion de la part du premier ministre Letta, convaincu que le PDL ne quittera pas sa coalition parce que la question de la déchéance de Berlusconi est «un problème du Parlement, pas du gouvernement».

Plusieurs ministres et le chef du gouvernement ont en outre mis en garde contre l'instabilité politique alors que l'Italie, troisième économie de la zone euro, est en proie à une grave récession et à une poussée du chômage.

Selon une étude de l'Institut Piepoli publiée cette semaine, 66 % des Italiens auraient «un sentiment positif» si on cessait de parler de risque de chute du gouvernement.

La CEDH saisie

La Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a indiqué lundi avoir reçu un recours de l'ancien chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi, qui conteste sa condamnation pour fraude fiscale en Italie.

Interrogée par l'AFP, une porte-parole a confirmé que «la Cour a reçu aujourd'hui (lundi) une requête de Silvio Berlusconi».

La Cour de Strasbourg doit désormais se pencher sur la recevabilité de la requête de M. Berlusconi, avant d'examiner l'affaire sur le fond.

Le Cavaliere avait annoncé fin août son intention de saisir la CEDH de Strasbourg, après la confirmation par la Cour de cassation italienne d'une peine de prison à son encontre pour fraude fiscale dans l'affaire Mediaset.

Cette dernière a estimé que Silvio Berlusconi avait été «l'instigateur du mécanisme» de fraude ayant permis aux entreprises qu'il dirigeait de bénéficier de réductions fiscales durant des années.

Il s'agit de sa première condamnation définitive en 20 ans de péripéties judiciaires.