L'élection d'un héritier politique de Nicolas Sarkozy à la présidence du premier parti d'opposition en France a tourné dimanche soir à la guerre ouverte, les deux candidats revendiquant tous les deux la victoire sur fond d'accusation réciproque de fraudes.

L'ex-Premier ministre, François Fillon, 58 ans, et son rival, Jean-François Copé, 48 ans, ont offert un spectacle de division qui risque d'affaiblir provisoirement l'opposition au président socialiste François Hollande et de conforter les nombreux sympathisants de droite souhaitant le retour de l'ex-chef de l'Etat Nicolas Sarkozy, en retrait depuis sa défaite en mai dernier.

Officiellement, l'Union pour un mouvement populaire (UMP, droite) n'a toujours pas de président après le scrutin militant de dimanche, qui a pourtant mobilisé plus de la moitié des quelque 300 000 adhérents appelés aux urnes.

L'enjeu de ce scrutin interne est d'importance. Le vainqueur, qui sera président de l'UMP jusqu'en 2015, sera le chef de l'opposition à François Hollande. Il aura une longueur d'avance pour être candidat à la présidentielle de 2017, même si l'échéance décisive sera la primaire de 2016 et si Nicolas Sarkozy pourrait vouloir troubler le jeu.

Première surprise: le scrutin a été plus serré que prévu, alors que François Fillon, candidat du «rassemblement», était le favori des sondages face à Jean-François Copé, partisan d'une ligne politique très à droite, sur le modèle de Nicolas Sarkozy et de plusieurs dirigeants libéraux et conservateurs en Europe, pour contrer le Front national (extrême droite).

Vers 22h30, plus de cinq heures après la fermeture de la plupart des 650 bureaux, M. Copé a tiré le premier en délivrant un véritable «discours de la victoire» depuis le siège de l'UMP devant ses partisans et les journalistes, en revendiquant 1000 voix d'avance. Un «putsch médiatique», pour un proche de M. Fillon.

Quelques minutes plus tard, dans son QG minuscule, devant tout autant de partisans et de médias, François Fillon a revendiqué la victoire avec «224 voix» d'avance, en prévenant: «Je ne laisserai pas voler la victoire aux militants».

L'ex-Premier ministre a déclaré qu'il attendait avec «sérénité» la proclamation officielle du vote par une commission interne qui a les clés du destin de la droite française entre ses mains.

Car avant ces deux proclamations de victoire, les deux camps ont annoncé qu'ils allaient saisir cette commission interne pour dénoncer des fraudes.

Dans la nuit, peu avant 04h00, cette commission a interrompu ses travaux en indiquant qu'elle ne pouvait pas encore déclarer de vainqueur. «Il nous manque les procès-verbaux de 50% des départements. Nous sommes dans l'incapacité de dire qui a gagné», a déclaré à la presse le président de la Cocoe, Patrice Gélard, en indiquant que les travaux reprendraient à 10h00 lundi matin.

L'équipe Copé affirme avoir constaté des irrégularités à Nice, cinquième ville de France, place forte de la droite et fief du directeur de campagne de François Fillon, et à Paris, dont l'ancien Premier ministre est député.

«Nous formulerons un certain nombre de contestations, bien supérieures à celles de Jean-François Copé», a rétorqué à Paris le député Bernard Debré, proche de François Fillon.

Dans une famille politique qui ne jure que par l'«unité» et le «rassemblement», les téléspectateurs ont pu assister en direct à la télévision à des explications entre partisans de MM. Copé et Fillon.

Hasard des dates et des circonstances, la situation actuelle de l'UMP rappelle celle du Parti socialiste il y a quatre ans jour pour jour, quand les responsable s'accusaient de fraudes pour succéder à François Hollande à la tête du Parti socialiste alors dans l'opposition. François Fillon a d'ailleurs repris une phrase de l'ex-candidate socialiste à l'Elysée en 2007 Ségolène Royal en déclarant: «Je ne laisserai pas échapper la victoire aux militants».

«Je pense qu'on vit en direct le crash de l'UMP», a réagi immédiatement le vice-président du Front national (FN, extrême droite), tandis que le porte-parole du Parti socialiste au pouvoir refusait de se «réjouir» de la situation de l'UMP.