Le Kosovo accède lundi à sa « pleine souveraineté » quatre ans et demi après la proclamation de son indépendance de la Serbie, mais les célébrations sont assombries par des révélations de Belgrade sur un trafic présumé d'organes durant le conflit serbo-kosovar (1998-99).

«La surveillance du Kosovo est finie. Nous allons nous rendre au Parlement pour informer les députés du fait que le Groupe d'orientation sur le Kosovo a décidé de mettre fin à la surveillance de l'indépendance» du Kosovo, a annoncé à la presse, au nom de l'ISG, le diplomate néerlandais Peter Feith, qui s'exprimait en albanais.

L'ISG, qui rassemble les pays ayant soutenu l'indépendance du Kosovo, dont les États-Unis, plusieurs États de l'Union européenne et la Turquie, avait déjà annoncé le 2 juillet à Vienne, que par cette décision, le Kosovo accède à sa «pleine souveraineté».

Toutefois, en réalité, sur le terrain, la souveraineté du gouvernement kosovar n'est pas entière, car il ne contrôle pas le nord du territoire, majoritairement peuplé de Serbes, qui rejettent l'autorité de Pristina.

À Washington, le président américain Barack Obama a salué cette décision la qualifiant d'«étape historique» et en appelant Pristina à oeuvrer à normaliser ses relations avec la Serbie.

De son côté, le premier ministre kosovar Hashim Thaçi s'est félicité d'un «succès historique pour l'État du Kosovo».

«De nombreux défis attendent le Kosovo, dont l'intégration des Serbes du nord» du territoire, a-t-il ajouté.

Mais la veille, une nouvelle polémique a éclaté entre Belgrade et Pristina après que le procureur serbe chargé des crimes de guerre eut révélé à l'AFP que ses services disposaient d'un témoin ayant participé au trafic présumé d'organes prélevés sur des Serbes durant le conflit du Kosovo, dont est accusée la guérilla kosovare.

Cette affaire fait également l'objet d'une enquête internationale menée par le procureur américain John Clint Williamson.

Les responsables kosovars ont constamment nié ces allégations dont les premières remontent à 2008.

Pristina a répondu par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Enver Hoxhaj, qui a dénoncé une «tentative de la Serbie de ternir un grand jour pour le Kosovo».

La majorité albanaise kosovare a proclamé l'indépendance de la Serbie en 2008, conséquence ultime du conflit de 1998-199 entre la guérilla indépendantiste kosovare et les forces serbes.

Au printemps 1999, pour mettre fin à la répression des forces serbes contre la guérilla kosovare, l'OTAN avait mené des raids aériens au Kosovo et en Serbie qui se sont traduits par le départ des forces serbes du Kosovo.

Puis un médiateur de l'ONU, le Finlandais Martti Ahtisaari, avait fait adopter un processus d'accession à l'indépendance du Kosovo, «sous surveillance internationale», notamment avec une administration sur place de la communauté internationale, processus constamment rejeté par la Serbie.

Dans un communiqué, l'ISG se félicite de «la mise en oeuvre avec succès du "plan Ahtisaari"» et annonce la fermeture «d'ici la fin 2012, du Bureau civil international (ICO) dirigé par Peter Feith qui est également le Représentant spécial de l'UE.

L'ICO jouissait de pouvoirs discrétionnaires pouvant imposer des lois ou sanctionner des responsables gouvernementaux, qu'il n'a toutefois jamais utilisés.

Lundi encore, le premier ministre serbe, Ivica Dacic, a réitéré que la Serbie ne reconnaissait pas l'indépendance du Kosovo, «qu'elle soit supervisée ou non supervisée».

La décision de l'ISG ne change toutefois rien aux missions en cours de l'Office Eulex de police et de justice de l'Union européenne, dont le mandat vient d'être prolongé jusqu'en 2014, et de la Force de l'OTAN au Kosovo (KFOR).

L'indépendance du Kosovo a été reconnue par quelque 90 pays, mais la Serbie, qui s'y oppose fermement, encourage les 120 000 Serbes qui représentent 6 % de la population et vivent essentiellement dans le nord du Kosovo, à braver les autorités de Pristina.

Néanmoins, l'amélioration des relations avec le Kosovo est la principale condition à remplir pour que la Serbie, qui a obtenu le statut de candidat à l'adhésion à l'UE en mars, puisse obtenir une date pour l'ouverture des négociations avec Bruxelles.