Nouvel épisode dans les tensions qui secouent l'administration du Vatican: le président de la banque du pape, l'Institut des oeuvres religieuses (IOR), a été désavoué jeudi soir et contraint à démissionner pour une gestion jugée déficiente.

Ettore Gotti Tedeschi, 67 ans, fervent catholique, nommé à sa tête en septembre 2009 pour y remettre les finances en ordre et permettre au Vatican de rejoindre la liste des pays respectant les normes contre le blanchiment («white list»), quitte ses fonctions au terme d'un bras de fer concernant l'application d'une nouvelle la loi vaticane sur la transparence financière.

Au printemps, cette législation avait fait l'objet de polémiques: plus conforme aux requêtes internationales pour les uns, protégeant encore trop excessivement le Vatican pour d'autres.

Le limogeage du patron de l'IOR survient quelques semaines avant que les experts européens de Moneyval décident début juillet si le Vatican peut figurer sur cette «White list». Il se produit aussi dans une atmosphère empoisonnée au sein de l'administration du Saint-Siège.

Depuis janvier, des documents confidentiels ont été transmis clandestinement à la presse italienne, révélant les luttes de pouvoir et la persistance de la corruption dans l'administration vaticane. Beaucoup de ces documents sont rassemblés dans un livre paru cette semaine en Italie, «Sua Santita», du journaliste Gianluigi Nuzzi.

Ces fuites, contre lesquelles le Vatican s'est insurgé, auraient joué un rôle non négligeable dans le limogeage du banquier, selon des sources vaticanes.

Scandales retentissants

Spécialiste de l'éthique de la finance, Ettore Gotti Tedeschi a été désavoué jeudi à l'unanimité par le conseil d'administration de l'IOR. Il lui est reproché de «n'avoir pas su remplir certaines fonctions de première importance», en dépit des avertissements répétés alors que la situation continuait de «se détériorer».

Mgr Carlo Maria Vigano, ancien secrétaire général du gouvernorat du Vatican, devenu nonce à Washington, avait dénoncé l'an dernier dans des lettres à Benoît XVI des cas de «gabegie» et de «corruption» au sein de l'administration vaticane.

Le pape allemand a fait de la transparence et de la rigueur une priorité et avait créé à cette fin en décembre 2010 l'Autorité d'information financière (AIF).

L'IOR, lié dans le passé à des scandales de grande ampleur en Italie, a une réputation sulfureuse.

Le rôle de la «banque du pape» --qui a un patrimoine de 5 milliards d'euros-- est de gérer les comptes de milliers d'ordres religieux et d'associations catholiques.

Même si les membres du Conseil d'administration ont exprimé leur «tristesse» devant les évènements qui ont conduit au vote de défiance, ils «considèrent que cette action est importante pour préserver la vitalité de l'institution».

Interrogé par l'Ansa, M. Gotti Tedeschi s'est refusé à tout commentaire. «Je préfère ne rien dire, sinon je devrais dire des choses grossières», a-t-il lâché.

Une commission de cardinaux doit se réunir vendredi pour «décider des pas opportuns à prendre à l'avenir».

Fondé en 1942 par le pape Pie XII, l'IOR a connu plusieurs scandales dont le plus célèbre est la faillite de la banque Ambrosiano, dont il était l'actionnaire majoritaire.

L'enquête a montré que la banque Ambrosiano recyclait l'argent de la mafia sicilienne, en relation avec la loge maçonnique illégale P2. Roberto Calvi, le «Banquier de Dieu», directeur de l'Ambrosiano, fut retrouvé pendu sous un pont de Londres en 1982.

L'archevêque américain Paul Marcinkus, directeur de la Banque du Vatican pendant dix-huit ans, entre 1971 et 1989, avait été soupçonné d'être mêlé à différents scandales.

En septembre 2010, le parquet italien avait ouvert une enquête visant notamment Ettore Gotti Tedeschi pour blanchiment présumé sur 23 millions d'euros. Puis en juin suivant, il avait levé tous les soupçons.

Le Vatican s'était réjoui de cette décision qui «confirmait le sérieux de l'engagement du Vatican à appliquer pleinement les normes internationales pour la prévention et la lutte contre les activités illégales financières».