Sifflets, tambours et slogans rythmés repris en choeur: environ un millier d'«indignés» ont tenté dimanche à Madrid de faire entendre leur voix, assourdie en Espagne par la victoire annoncée écrasante pour la droite aux élections du 20 novembre.

«Changeons de modèle, maintenant», proclamait en grandes lettres noires la banderole tenue en tête du cortège qui scandait les slogans favoris du mouvement, né en Espagne en mai avant d'essaimer dans le monde entier: «Ils ne nous représentent pas», «Ils appellent cela démocratie mais ce ne l'est pas».

«Je me fiche du résultat que vont obtenir les deux grands partis», lance Miguel Jete, 50 ans, cheveux mi-longs coiffés d'une casquette marron.

«Je crois que le mouvement des indignés a déjà eu un effet sur la conscience des gens et que l'on remarquera son impact du côté des partis minoritaires ou du vote nul ou blanc», pronostique-t-il.

Minée par la crise et le chômage, l'Espagne s'apprête à donner une victoire écrasante à la droite du Parti populaire (PP), aujourd'hui principal parti de l'opposition.

«Je suis là pour protester contre tous les hommes politiques. Peu importe pour qui on vote, les marchés viendront ensuite et feront comme en Italie et en Grèce, mettre celui qu'ils ont choisi», lance Concepcion Gomez, 57 ans.

Invités surprise de la campagne des municipales au mois de mai, où ils avaient mobilisé des dizaines de milliers de personnes, les «indignés» sont, à une semaine du scrutin national, bien plus discrets.

À Barcelone, une trentaine d'entre eux ont campé dans le centre de la ville dans la nuit de samedi à dimanche mais les grands campements surgis dans plusieurs dizaines de villes espagnoles au printemps n'ont pas réapparu.

«Le problème de ces mouvements, c'est qu'ils se condamnent d'une certaine façon tout seul en refusant de chercher une forme d'articulation politique», souligne Josep Ramoneda, politologue et éditorialiste.

«Quand ils trouvent un sujet et lui donnent une certaine visibilité, cela a bien fonctionné. Mais quand ils se limitent à lancer des critiques, le mouvement finit par perdre du poids», analyse-t-il.

En Espagne, les «indignés» sont parvenus à se faire entendre par exemple en bloquant des expulsions de familles surendettées ne pouvant plus rembourser leurs prêts immobiliers.

À Madrid, dimanche, les manifestants, résignés face au raz-de-marée annoncé de la droite, assuraient pourtant vouloir inscrire leur mouvement dans la durée, au-delà du résultat des élections.

Après la manifestation, quelques centaines de personnes se sont retrouvées sur la place emblématique de la Puerte del Sol, point de départ de leur mouvement, pour débattre de «propositions citoyennes» recueillies dans les assemblées de quartier de la région de Madrid et du manifeste intitulé «Changeons de modèle, maintenant», accordé par consensus, qui réclame la «défense du (secteur) public», la «participation citoyenne» et dit «Stop» à la corruption.

Cheveux longs bouclés, foulard rouge et blanc autour du cou, Marcos Dios, 31 ans, refusait dimanche de se laisser abattre par la mobilisation limitée de dimanche.

«Nous tentons de provoquer un changement plus lent mais dont l'impact se fera sentir sur la durée», explique-t-il.

«Afin que même si la droite gagne, elle se sente obligée de réfléchir aux questions qui vont au-delà de l'idéologie ou du programme de chaque parti, comme le manque de transparence ou la corruption, qui touche aussi bien la droite que la gauche.»