Nouveau chef de la diplomatie française, Alain Juppé a pris formellement ses fonctions mardi lors d'une passation de pouvoirs avec Michèle Alliot-Marie, qui fait de lui l'homme incontournable de la relance de l'action gouvernementale à l'international comme sur la scène intérieure.

En prenant ses fonctions, Alain Juppé a brossé à grands traits ses priorités les plus urgentes, à commencer par les bouleversements dans le monde arabe. Il faut, selon lui, relancer l'Union pour la Méditerranée.

«Il va nous falloir refonder l'Union pour la Méditerranée. C'était une initiative prémonitoire», a-t-il déclaré à propos de ce forum de coopération entre l'UE et les pays du Maghreb et du Proche-Orient. «Ce qui se passe aujourd'hui au sud de la Méditerranée change complètement la donne. Nous avons besoin d'y réfléchir», a-t-il ajouté.

Ce forum de coopération entre l'Union européenne et les pays du sud de la Méditerranée, dont Israël, était l'un des grands projets de Nicolas Sarkozy à son arrivée à la présidence française en 2007. Il est aujourd'hui moribond, en grande partie à cause de la paralysie du processus de paix israélo-palestinien.

À 65 ans, Alain Juppé devient la pièce maîtresse du gouvernement de Nicolas Sarkozy, qui cherche à reprendre la main à un peu plus d'un an de la présidentielle, après les errements d'une diplomatie incapable de prendre la mesure du vent de liberté qui parcourre le monde arabe.

À l'heure où Paris a pris la tête des forums des G20 et G8, la diplomatie est devenue un enjeu de politique intérieure pour un président Sarkozy toujours à la peine dans les sondages.

«Homme providentiel» ou «sauveur»: la presse française a accueilli mardi avec bienveillance et soulagement l'arrivée d'Alain Juppé au Quai d'Orsay, espérant que la voix de la France sera à nouveau audible après des semaines de violentes critiques sur la proximité de Paris avec des régimes autoritaires.

Déjà numéro 2 du gouvernement, Alain Juppé a passé mardi matin les rênes de la Défense au nouveau ministre Gérard Longuet, ancien chef de file des sénateurs du parti de la majorité de droite UMP.

Une heure plus tard, il s'est emparé du Quai d'Orsay, après une passation de pouvoirs avec Michèle Alliot-Marie, qui a démissionné sous la pression dimanche après seulement trois mois aux Affaires étrangères.

La ministre a fini par chuter après des déclarations dénoncées comme scandaleuses par l'opposition, notamment pour avoir proposé le «savoir-faire» des policiers français au régime tunisien en pleine répression de la révolte populaire en janvier, puis pour ses liens révélés par la presse avec un homme d'affaires proche du président déchu Zine El Abidine Ben Ali.

Alain Juppé retrouve un ministère où il a déjà fait un passage remarqué, de 1993 à 1995, avant de devenir Premier ministre de Jacques Chirac.

Le nouveau ministre a également évoqué, dans son premier discours, le renforcement des partenariats avec les pays émergents, la défense et l'intégration financière européenne et l'Afrique.

«Nous devons anticiper (...) l'essor de l'Afrique au XXIe siècle. Ce serait pour nous une faute stratégique que de relâcher notre présence sur ce continent avec lequel tant de liens ont été construits au fil de l'histoire.»

Au Quai d'Orsay, Alain Juppé devra également rétablir la confiance des diplomates qui ont exprimé dans des tribunes anonymes leurs inquiétudes sur «l'amateurisme» ou «la peur du changement» de la diplomatie française.

Selon un sondage Harris Interactive publié mardi, 55% des Français lui font «plutôt confiance» comme nouveau chef de la diplomatie.